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Afrique #88 : Veolia Eau, Saham Pharma, Covid-19, M-Pesa...


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Cette station de traitement des eaux usées industrielles d’Ujams, au nord de la capitale Windhoek, représente une infrastructure clé pour la Namibie, l’un des pays les plus arides du monde avec des précipitations moyennes de 250 mm par an. - © Veolia

Cette station de traitement des eaux usées industrielles d’Ujams, au nord de la capitale Windhoek, représente une infrastructure clé pour la Namibie, l’un des pays les plus arides du monde avec des précipitations moyennes de 250 mm par an. - © Veolia

Environnement & CleanTechs : Ujams Wastewater Treatment Company / Veolia Eau / Va Tech Wabag (Namibie / France / Inde)

Veolia Eau, spécialiste français de la gestion déléguée de services d’eau et d’assainissement, devient l’actionnaire majoritaire d’Ujams Wastewater Treatment Company, une société créée ad hoc en 2012 en vue de la construction et de l’exploitation de la station de traitement des eaux usées industrielles d’Ujams en Namibie, au nord de la capitale Windhoek. Une fois la transaction finalisée, Veolia Eau contrôlera 58 % supplémentaire du capital de la cible par l’intermédiaire de sa branche Veolia Water Solutions & Technologies South Africa (voir fiche opération sur CFNEWS IMMO & INFRA). Sur les 27,2 Md€ de chiffre d'affaires réalisés par Veolia en 2019, 41 % proviennent de sa branche Eau. C’est auprès de son partenaire de consortium Wabag Vienna, filiale du groupe indien Va Tech Wabag, spécialisé dans le traitement de l’eau, que le mastodonte tricolore a effectué le rachat d’actions, pour environ 3,9 M€ (78,3 MNAD). Le cédant, qui détenait une participation de 66,4 % dans Ujams Wastewater Treatment Company, en conservera 8,4 %. Inaugurée en 2014, la station d’épuration traite les eaux usées de la zone industrielle d’Ujams, composée d’usines variées, dont une brasserie, une tannerie et un abattoir. Les eaux usées sont filtrées et désagrégées, puis désinfectées via un traitement ultra-violet, désodorisées et réutilisées en partie pour l’irrigation des plantations. L’infrastructure, qui affiche une capacité de 5000 m3 par jour, sera encore exploitée pendant une quinzaine d’années par Ujams Wastewater Treatment Company.

Fonds - Industrie pharmaceutique : Saham Pharma / SPE Capital / Proparco / SFI (Maroc / Tunisie / France / International)

L'équipe de Saham Pharma, leader de la production d'antibiotiques au Maroc, et distributeur de solutions injectables auprès des hôpitaux. - © Saham Pharma

L'équipe de Saham Pharma, leader de la production d'antibiotiques au Maroc, et distributeur de solutions injectables auprès des hôpitaux. - © Saham Pharma

Envisagée depuis décembre dernier, la cession de la filiale Pharma de Saham Group au tandem SPE Capital Partnerset Proparco a été finalisée le 15 avril dernier (voir fiche opération sur CFNEWS). Première branche « Santé » du Groupe Saham, Saham Pharma est né en 2011, suite à l’acquisition du site industriel d’Ain Aouda (près de Rabat) de GlaxoSmithKline, spécialisé dans la fabrication des antibiotiques. Le leader de la production d’antibiotiques au Maroc, dirigé par Younous Elalamy, est en outre devenu ces dernières années le principal fournisseur du secteur hospitalier à l’échelle nationale. Cette opération s’inscrit dans le cadre du désengagement du pôle santé (Meden Healthcare) du groupe panafricain Saham et de sa transformation en fonds d'investissement sous la houlette de son fondateur le financier Moulay Hafid Elalamy, également ministre du Commerce et de l’Industrie du Maroc (et à ce titre, figure emblématique de l’offensive du royaume pour la fabrication et la distribution des masques). Entamé en 2018 avec la cession de son pôle finance (son cœur d'activité) au sud-africain Sanlam (relire bulletin #1), ce processus s’est poursuivi avec la vente successive de ses actifs de santé, notamment celle de l’Hôpital Privé de Marrakech (HPM), pour un montant de 45,7 M€, à KMR Holding Pédagogique (relire bulletin #19). SPE Capital Partners, une firme de private equity constituée en 2016 suite à un spin-out de Swicorp, une banque d’investissement saoudienne, acquiert ainsi le contrôle conjoint de l’entreprise pharmaceutique marocaine, aux côtés de Proparco, actionnaire minoritaire. Pour la firme disposant de représentations en Tunisie, au Maroc, en Égypte et en Côte d’Ivoire, il s’agit de la quatrième transaction réalisée par le biais de SPE AIF I, un véhicule de capital-investissement de 185 M€ (200 M$) axé sur l’Afrique, mis en place par SPE Capital Partners et Proparco. L’opération constitue également le deuxième investissement direct en actions de la filiale de l’AFD dans le secteur de la santé au Maroc, après l’investissement dans le groupe Oncologie et Diagnostic du Maroc (ODM) en 2018 (relire bulletin #11).

Parallèlement, SPE AIF I vient d’accueillir un nouvel investisseur, à savoir la Société Financière Internationale (SFI) qui y a engagé 18,5 M€ (20 M$). Ciblant les entreprises de petite et moyenne capitalisation opérant dans la région du Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA), principalement en Égypte, au Maroc et en Tunisie, le véhicule espère, grâce à ce soutien financier, apporter « non seulement du capital-développement, mais aussi une expertise industrielle et de création de valeur qui fait actuellement défaut dans la région Moyen-Orient et Afrique du Nord », a précisé le directeur général de SPE Capital Partners, Nabil Triki.

Focus : le point sur la pandémie en Afrique

La Mission multidimensionnelle Intégrée des Nations Unies pour la Stabilisation en Centrafrique (MINUSCA), une opération de maintien de la paix de l'ONU, soutient la fabrication de masques de protection à Kaga Bandoro, en République centrafricaine. - © MINUSCA

La Mission multidimensionnelle Intégrée des Nations Unies pour la Stabilisation en Centrafrique (MINUSCA), une opération de maintien de la paix de l'ONU, soutient la fabrication de masques de protection à Kaga Bandoro, en République centrafricaine. - © MINUSCA

Force est de constater que les statistiques de la pandémie en Afrique sont moins alarmantes que celles affichées par d’autres continents. La barre des 20 000 contaminés a néanmoins été dépassée le 18 avril et 52 pays (sur 54) ont confirmé des cas de personnes atteintes du coronavirus. Quatre pays concentrent plus de la moitié des 23 575 cas comptabilisés au 21 avril (dont 1 061 décès et 6 122 rémissions): l’Égypte (3 333), l’Afrique du Sud (3 300), le Maroc (3 046) et l’Algérie (2 718). Comptant parmi les économies les plus développées, les mieux interconnectées, bénéficiant des systèmes de santé les plus avancés d’Afrique, ces pays figurent également parmi ceux dotés des systèmes statistiques les plus perfectionnés et de médias robustes pour relayer l’information. Face au fléau et ses lourdes conséquences socio-économiques, les initiatives ne manquent pas. Passage en revue de quelques-unes des mesures prises par les acteurs internationaux, régionaux, étatiques et les sociétés au cours des quinze derniers jours.

De sombres prévisions économiques

Les études abondent ces dernières semaines pour tenter d’évaluer les conséquences de la pandémie dans le monde. De l’ONU à l’OMS en passant par le FMI ou la Fondation Bill Gates, nombreux sont les experts qui jugent inéluctable une récession pour l’Afrique. Un article de l’économiste de développement Thomas Melonio, paru dans le blog ID4D animé par l’Agence Française de Développement (AFD) et titré « Covid-19 en Afrique : un double tsunami » table sur une récession (une première depuis un quart de siècle) de la partie subsaharienne du continent entre 2,1 et 5,1 % en 2020. L’étude, qui explique qu’un choc de cinq points de PIB représente une perte de revenus de 115 Md€ (125 Md$) à l’échelle du continent, imagine différentes sorties de crise, en « V », en « W », en « U » ou en « L » (le premier scénario étant le plus favorable à l’Afrique).

Selon un scénario « optimiste » de la Commission Économique pour l’Afrique (ECA-ONU), selon lequel le continent ne serait pas en récession, mais connaîtrait une croissance de 1,8 % en 2020, au moins 27 millions de personnes pourraient basculer dans l’extrême pauvreté. L’Union Africaine (UA) estime de son côté à 20 millions le nombre d’emplois menacés en Afrique (50 millions selon l’ONU, voire 150 millions pour le média WeeTracker, si l’on prend en compte le secteur informel) et jusqu’à 15% la part d’investissement étranger direct susceptible de disparaître. Dans son étude intitulée « Impact du coronavirus sur l’économie africaine », elle modélise deux scénarios, l’un avec un PIB qui reculerait de 0,8 %, et l’autre plus pessimiste avec un recul de 1,1 %.

Une réponse avant tout « africaine » ?

Beaucoup d’experts - mais aussi des personnalités telles que le roi du Maroc - prônent une réponse avant tout « africaine », avec l’idée qu’une coopération internationale ne peut qu’accompagner l’engagement des gouvernements africains dans leur volonté de prendre en charge leur propre développement. Si les obstacles ne manquent pas, l’Afrique bénéficie aussi d’atouts non négligeables, dont une population jeune et une expérience avérée de lutte contre les épidémies.

Dans ce contexte, l’Union Africaine semble toute désignée pour apporter des solutions à la crise. Elle a rapidement créé un Fonds de lutte contre le coronavirus, totalisant à ce jour 18,5 M€ (20 M$), et vient de lancer un plan d’intervention via l'Agence de planification et de coordination de l'Agence de développement de l'Union Africaine (AUDA-NEPAD). Proactif et multidimensionnel, ce plan vise à mobiliser les capacités humaines et l'expertise de l'institution pour améliorer la couverture et l'accès à des services de santé durables et résilientes, tout en assurant la protection des fondements économiques de l'Afrique. Le président actuel de l’UA, le dirigeant sud-africain Cyril Ramaphosa, a annoncé le 12 avril la création d’Africa COVID Task Force, une force opérationnelle chargée de trouver une solution coordonnée et continentale. Composée d'un quatuor d’envoyés spéciaux, avec Tidjane Thiam, ex-patron du Crédit Suisse, comme président, elle doit mobiliser la communauté internationale afin de réunir les fonds nécessaires à l’éradication de la pandémie et au relèvement des économies africaines.

La solidarité internationale au secours de l’Afrique

Le Fonds Monétaire International (FMI) multiplie les initiatives au profit des pays peu développés pour les aider à faire face au coronavirus et ses conséquences . Parmi les pays africains ayant déposé une demande, certains se sont déjà vu accorder des aides, comme la Tunisie (688 M€), le Sénégal (408 M€), la Côte d’Ivoire (831 M€) ou encore le Ghana (924 M€), d’autres attendent encore une réponse (qui sera apportée en fonction d’un calendrier précis fixé par l’institution de Bretton Woods). Le FMI a également approuvé un allégement de la dette immédiat pour vingt-cinq pays dont dix-neuf africains, au titre du fonds fiduciaire réaménagé d’assistance et de riposte aux catastrophes (fonds fiduciaire ARC).

Emmanuel Macron, président de la République

Emmanuel Macron, président de la République

Le continent peut également compter sur l’UE, qui a décidé de garantir plus de 15 Md€ pour aider les pays les plus vulnérables. Une somme provenant de la ré-allocation de fonds non dépensés, réorientés pour lutter contre le coronavirus, des réserves du Fonds Européen pour le Développement (FED) et de garanties données par le Fonds Européen pour le Développement Durable. L’allocution très médiatisée du président de la République française Emmanuel Macron, appelant la France et l’Europe à aider l’Afrique à lutter contre l’épidémie, en « annulant massivement sa dette », semble par ailleurs avoir été entendue : les ministres des Finances et gouverneurs de banques centrales des pays du G20 ont suspendu, à compter du 1er mai et jusqu’à la fin de l’année, le service de la dette pour les pays éligibles à un soutien de l’Association Internationale de Développement (IDA) qui font une demande en ce sens. Au-delà ce moratoire sur les dettes, le président français a plaidé pour un partenariat renforcé avec les pays africains, en particulier à travers la mise à disposition immédiate d’équipements de santé, et de traitements et de vaccins lorsqu’ils auront été découverts, et le développement synchrone de ces derniers. Soutenant le programme structuré autour des quatre axes définis par la task force opérationnelle de l’Union Africaine, il souhaite voir s’articuler « un réseau de compétences, d’expertises, qui permette à la fois de mutualiser le savoir entre ce que l’Asie, l’Europe, les États-Unis ont vécu […] et que [ce savoir] se diffuse dans la communauté académique, de recherche, mais aussi de cliniques en Afrique. »

L’Initiative « COVID 19 - Santé en commun », lancée par l’AFD début avril (relire bulletin #87), qui cible en priorité l’Afrique subsaharienne, va permettre de financer dans un premier temps six projets pour un montant total de 12 M€, sous forme de subventions, dans seize pays du continent. Parmi eux figurent un projet d’appui à la recherche-action sur la pandémie et à la définition d’une riposte africaine, mené par l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD), ainsi qu’un projet de soutien aux Instituts Pasteur du continent pour le dépistage rapide du Covid-19.

La Société Internationale Islamique de Financement du Commerce (ITFC) a débloqué 784 M€ (850 M$) pour des interventions d’urgence contre le Covid-19 dans les pays membres de l’Organisation de la Coopération Islamique (OCI) les plus touchés (dont le Maghreb). Ces ressources sont destinés à « l’approvisionnement en énergie, les soins de santé, la sécurité alimentaire et d’autres besoins essentiels ».

Pour aider les agriculteurs et les communautés rurales à continuer de produire et de vendre des denrées alimentaires, le Fonds International de Développement Agricole (FIDA) compte consacrer 37 M€ (40 M$) au profit du Mécanisme COVID-19 de relance. Ce nouveau fonds multidonateurs vise à atténuer les répercussions de la pandémie sur la production alimentaire, l’accès aux marchés et l’emploi en milieu rural, en assurant aux agriculteurs des pays les plus vulnérables la possibilité de disposer en temps voulu d’un accès aux intrants, aux informations, aux marchés et aux liquidités. Le FIDA espère lever au moins 184 M€ (200 M$) supplémentaires auprès de ses États membres, de fondations et du secteur privé.

Réactions étatiques

La Côte d’Ivoire suit l’exemple de plusieurs autres États voisins en mettant en place un fonds de soutien et de garantie aux PME, d’un montant global de 305 M€ (200 MdXOF), tandis que les entreprises du secteur informel bénéficieront d’une aide de 153 M€ (100 MdXOF), par l’intermédiaire d’un fonds spécifique d’appui.

Au Tchad, le président Idriss Déby Itno a promis la mise en place « au plus vite » d’un Fonds national de solidarité et de soutien aux populations vulnérables, fort d’une enveloppe de 152 M€ (100 MdXAF) afin d’élargir et de renforcer les filets sociaux sur l’ensemble du territoire, ainsi qu'une série de mesures pour faire face à la crise, parmi lesquelles une enveloppe minimale de 38 M€ (25 MdXAF) destinée à accroître les stocks de l’Office National de Sécurité Alimentaire (ONASA).

Au Togo, le gouvernement vient de lancer Novissi, un programme de revenu universel de solidarité mensuel, en vue d’aider les populations à faire face à leurs besoins de base (vivres, eau, électricité, communication).

En dehors des fonds de soutien, les États recourent à d’autres mesures d’accompagnement, à l’instar de la République du Congo qui prévoit en particulier de ramener l’impôt sur le bénéfice des sociétés (IS) de 30 % à 28 %, de défiscaliser les dons effectués dans le cadre de la lutte contre le Covid-19, et de suspendre pour trois mois les contrôles fiscaux et douaniers. Au Mali, parmi les mesures destinées à soutenir l’économie nationale, les autorités sont allées jusqu’à renoncer à une partie de leur salaire : un mois de salaire pour les membres du gouvernement, deux pour le premier ministre, et trois pour le président malien Ibrahim Boubacar Keita.

Sur le plan médical, certains gouvernements optent pour des choix innovants, à l’instar du Cameroun qui prend le parti de se démarquer de la France (pays traditionnel de référence dans la mise en place des politiques publiques), en lançant la production à plein régime sur place de chloroquine, ce médicament antipaludéen recommandé par le professeur Didier Raoult, directeur de l’Institut hospitalier de Marseille.

Certains gouvernements africains pensent déjà à « l’après Covid », comme le Kenya qui envisage de miser sur le tourisme local pour se relever de la crise économique, en promouvant les voyages nationaux et régionaux.

Le rôle central des banques

Au niveau régional, la Banque Ouest Africaine de Développement (BOAD)accordera une enveloppe globale de 286 M€ (196,6 MdXOF), dont 61 % destinés à des prêts concessionnels, aux pays de l’Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA), pour les aider à faire face aux impacts du Covid-19. Le financement sera bonifié avec l’appui de la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) et de la Commission de l’UEMOA.

Banque africaine de développement (BAD)

Banque africaine de développement (BAD)

La Banque Africaine de Développement (BAD) demeure plus que jamais au premier plan dans ce combat : elle a lancé un nouveau fonds de 5,1 Md€ (5,5 Md$) pour les opérations souveraines dans les pays membres de la Banque et de 2,9 Md€ (3,1Md$) pour les opérations souveraines et régionales via les pays du Fonds Africain de Développement. Un montant supplémentaire de 1,2 Md€ (1,35Md$) sera dédié aux opérations du secteur privé.

Profitant des craintes véhiculées par les pièces et billets de banque vis-à-vis de la propagation du virus, plusieurs établissements financiers dans le monde ont entrepris de remplacer en partie les espèces par le paiement numérique. C’est le cas par exemple de la SBM Bank (Mauritius) qui vient de lancer une nouvelle plateforme de paiement en ligne dénommée « SBM easy-pay », visant à réduire les transactions en espèces.

Acteurs scientifiques et tech

Face à la pandémie, le président malgache Andry Rajoelina est convaincu que son pays a un rôle déterminant à jouer à l’échelle mondiale. Le 19 avril, il a officialisé le lancement d’un traitement efficace contre le coronavirus, élaboré par l’Institut Malgache de Recherches Appliquées (IMRA), avec l’appui du gouvernement et de chercheurs aux États-Unis et en Chine. Après des premiers tests cliniques encourageants, ce « CVO ou Covid-Organics », un remède traditionnel amélioré composé d’artemisia et de plantes médicinales malgaches, a commencé hier à être administré à l’échelle nationale. Si les résultats de l’étude devaient être entérinés à l’échelle internationale, cette avancée pourrait propulser Madagascar sur le devant de la scène sanitaire mondiale et constituer une manne pour le pays.

Sur le plan de la recherche, en première ligne dans cette guerre mondiale, le laboratoire de microbiologie de l’hôpital Charles-Nicolle de Tunis est parvenu à déterminer l’identité génétique du coronavirus (la séquence d’acide ribonucléique, ARN, qui est spécifique au SARS-CoV-2, responsable du Covid-19) : une avancée de taille, d’ailleurs été saluée par l’OMS. Premier séquençage à être publié dans la base internationale des séquences génétiques GenBank, il permettra de pister et de comparer les mutations des souches circulant en Tunisie avec celles rapportées par les autres pays.

Groupe LPF (LE PISTON FRANCAIS)

Groupe LPF (LE PISTON FRANCAIS)

Asiatiques et Occidentaux ne sont pas les seuls à avoir su adapter l’industrie à la crise sanitaire. Le Maroc en est un exemple brillant, avec une usine d’éthanol remise en état en une semaine, des usines de textile qui se reconvertissent pour la confection de masques, ou encore une unité industrielle qui lance une chaîne de production de 500 respirateurs artificiels, 100 % « Made in Morocco ». Ces derniers sont en cours de fabrication sur les chaînes de la Société d’Étude et de Réalisation Mécanique de Précision (SERMP), filiale du groupe LFP (Le Piston français), qui fabrique depuis 2005 des ensembles mécaniques aéronautiques. Pour pallier le manque d’équipements, les sociétés rivalisent d’ingéniosité pour trouver des solutions endogènes. Au Burkina Faso, le Covid-19 a poussé Mahomed Billa, un jeune entrepreneur, à fabriquer un système de désinfection corporelle automatique alimenté principalement à l’énergie solaire. Aux côtés des entreprises, universités et écoles d’ingénieurs se sont attelées à la production d’équipements de protection, mais aussi de respirateurs destinés aux hôpitaux. L’impression 3D s’est ainsi avérée un outil précieux : en Tunisie, grâce à l’aide de la start-up locale 3DWave, qui a mis à leur disposition des imprimantes 3D, les étudiants de l’École Nationale d’Ingénieurs de SOusse (ENISO) ont par exemple déjà produit 2 500 masques et visières de protection pour soignants.

Comme évoqué dans les précédentes chroniques, le numérique apparaît au cœur de la lutte contre le coronavirus en Afrique. Non seulement un florilège d’applications numériques se sont développées dans divers domaines pour permettre aux populations s’informer, de travailler à distance et de continuer d’apprendre tout en respectant les mesures requises, mais les start-up africaines se révèlent parfois à même de fournir les meilleures armes contre une pénurie grandissante dans le système hospitalier. La plateforme béninoise Rema Medical Technologies, qui met gratuitement son outil de communication médicale au service des ministères de la Santé, constitue un exemple d’idée novatrice dans ce secteur. D’autres initiatives méritent d’être évoquées, comme l’application « SOS-Covid » d’auto-diagnostic créée par la start-up camerounaise House Innovation, qui ambitionne de venir « résoudre non seulement le problème de non-information de la population et d’auto-diagnostic des personnes, mais aussi la détection rapide et efficace de l’apparition de nouveaux cas pouvant ainsi être pris en charge, le plus rapidement possible, grâce au système de géolocalisation intégré dans l’application ».

Les actions entreprises par les sociétés non technologiques

La pandémie pourrait bien déboucher vers une révolution des assurances en Afrique. Pour la première fois sur le continent, des assureurs algériens (dont Hassan Khlifati, P-dg d’Alliance Assurances, ou Mohamed Benarbia, DG de Salama Assurance Algérie) plaident en effet pour la mise en place d’une police couvrant les pandémies et les crises sanitaires. S’inscrivant dans le cadre d’un débat mondial (le directeur général d’Axa, Thomas Buberl, planche sur un fonds catastrophe pour rembourser les risques occasionnés par le coronavirus), le projet permettrait d’atténuer les effets négatifs de la crise sur les entreprises, les particuliers et les ménages. Cela rejoint les conclusions de Finactu, groupe de conseil spécialisé dans le continent africain, qui insiste, dans une étude sur les pistes à suivre par les pays africains pour soutenir l’économie, sur le rôle clé que peuvent jouer les compagnies d'assurance et caisses de retraites : « les caisses de prévoyance sociale peuvent être, à très court terme comme à moyen et long termes, un formidable levier politique dans la lutte contre des crises sanitaires et économiques comme celle qui nous frappe aujourd’hui ».

L’engagement des sociétés passe également par la fourniture de matériel médical ou d’équipements de protection : LafargeHolcim Côte d’Ivoire met ainsi à disposition des responsables des différents quartiers de plusieurs communes une centaine de seaux équipés de robinets, 1 200 masques de protection réutilisables, ainsi que des cartons d’eau de javel, de gels hydroalcooliques, et de savons liquides. Au Nigeria, l’opérateur télécoms Airtel va consacrer 462 K€ (500 K$) à l’équipement d’un établissement médical, 277 K€ (300 K$) à l’achat de plus de 100 000 masques respiratoires N95 pour les agents de santé du pays. Il proposera également des services gratuits pour permettre aux clients d’accéder à des sites éducatifs et de santé.

D’autres répondent à l’appel des gouvernements invitant entreprises et citoyens à faire preuve de solidarité, en octroyant gratuitement des services : au Gabon, la Société d’Énergie et d’Eau du Gabon (SEEG) consent à assurer la gratuité de l’eau et de l’électricité pour près de 400 000 abonnés.

Enfin, pour terminer ce panorama sur une note plus anecdotique, pourquoi ne pas évoquer les peintres, chanteurs et collectifs de la société civile qui se mobilisent avec, pour ne retenir qu’un cas de figure, les graffeurs qui taguent les murs de quartiers populaires au Sénégal, en représentant les gestes et recommandations sanitaires à respecter pour lutter contre le coronavirus.

Télécoms : M-Pesa / Vodacom / Safaricom / Vodafone (Kenya / Afrique du Sud / Royaume-Uni)

Un agent du service de mobile money M-Pesa à Kibera, bidonville au sud de Nairobi (Kenya). - © Fiona Graham / WorldRemit

Un agent du service de mobile money M-Pesa à Kibera, bidonville au sud de Nairobi (Kenya). - © Fiona Graham / WorldRemit

Pour 12 M€ (1,4 MdKES environ), l’opérateur kényan Safaricom et son homologue sud-africain Vodacom mettent la main sur le système de microfinancement et de transfert d'argent par téléphone mobile M-Pesa, lancé en 2007 et jusque-là contrôlé par leur société-mère britannique Vodafone. Cette acquisition de la marque, réalisée par le biais d’une joint-venture créée ad hoc, leur donnera toute latitude pour en assurer le développement et l’étendre à de nouveaux marchés africains. Devenu dès 2010 le service financier par téléphone portable ayant le mieux réussi dans les pays en développement, M-Pesa (M pour « mobile », « pesa » signifiant « argent » en swahili) s'est étendu, outre le Kenya et la Tanzanie, à l'Afghanistan, la République Démocratique du Congo, l'Afrique du Sud, l'Inde et l'Europe de l'Est. Vodacom, détenu à 35 % par Safaricom (considéré comme la compagnie la plus rentable en Afrique de l’Est), et son partenaire kényan, avaient annoncé à plusieurs reprises leur intention de s'associer pour racheter le système de microfinancement et de transfert d'argent. Ces deux filiales de Vodafone renforcent ainsi leur collaboration, après s’être portées de concert candidates à l’une des futures licences d’opérateurs télécoms en Éthiopie.

Événements :

  • 22 avril, 17h : webinar d’information organisé par l'organisation médicale humanitaire Alima, basée à Dakar et Paris, pour présenter une analyse de la situation de crise en Afrique, ainsi que les actions entreprises pour y faire face. Intervenants : Augustin Augier, son directeur général et co-fondateur, et Dominique Gaillard, président de France Invest et soutien d’Alima. CFNEWS en proposera un compte-rendu dans le prochain bulletin hebdomadaire.
  • Report d'événements :
    • Douala (Cameroun), 17 octobre - 1er novembre : FIAC-PmeXchange, l’un des plus importants rendez-vous d’affaires d’Afrique centrale, initialement prévu du 4 au 19 avril.
    • Le Sommet Afrique-France qui devait se tenir les 4, 5 et 6 juin prochains à Bordeaux sur le thème de la ville et territoires durables est reporté. À ce stade, aucune nouvelles dates n'ont été communiquées.

Et aussi...

  • Électricité et Eaux de Madagascar (groupe EEM), holding financière diversifiée (hôtellerie, immobilier, papier, casinos), cotée à Paris, est entrée le 15 avril en procédure de sauvegarde pour six mois.
  • Au Nigeria, le projet de port en eaux profondes de Lekki reçoit un apport en fonds propres de 204 M€ (221 M$) de l’une de ses parties prenantes, le consortium China Harbour Engineering Company (CHEC). Ce projet d'infrastructure de transport par voie maritime vise à renforcer la zone de libre-échange qui est portée par Tolaram Group, une holding diversifiée basée à Singapour.
  • Le cabinet parisien de conseil Sofreco, déjà bien implanté en Afrique de l'Ouest, remporte une mission d’assistance technique de 2,4 M€ sur le projet d’autoroute côtière reliant cinq pays de la CEDAO, sur le futur corridor Abidjan-Lagos.
  • En Afrique du Sud, le Green Outcomes Fund (GOF), doté de 24 M€ (488 MZAR) vient d’être lancé par le Fonds pour l’emploi du Trésor national sud-africain et GreenCape, une organisation non lucrative locale consacrée à l’économie écologique. Son objectif : inciter les gestionnaires de fonds à investir dans les TPE/PME qui produisent des résultats écologiques dans les secteurs de l’énergie, de l’eau, des déchets, de l’infrastructure et de la gestion des terres.
  • Razorite Healthcare Africa Fund 1 (RHAF1), dédié au financement d’infrastructures de santé en Afrique et géré par le fonds sud-africain Razorite Healthcare, bénéficie d’un investissement de 9,2 M€ (10 M$) de la BAD. Visant une enveloppe finale de 92 M€ (100 M$), le véhicule utilisera cet apport pour soutenir des entreprises d’Afrique subsaharienne axées sur le secteur des soins de santé et présentant un fort potentiel de croissance, et pour financer la construction de nouvelles infrastructures sur le continent.
  • Le gouvernement égyptien a décidé de repousser l’offre publique de vente (OPV) et l'ouverture du capital de la Banque du Caire, filiale à 100 % de la banque d’État (Banque Misr), à une date ultérieure.
  • La Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement (BERD) injecte 15 M€ dans le capital de Varroc Lighting Systems Morocco, un fabricant et fournisseur mondial de composants automobiles pour les systèmes d'éclairage extérieur. Ce financement permettra de former et d'offrir des opportunités professionnelles à des jeunes Marocains.
  • Le cabinet d’avocats Bird & Bird vient de publier un guide sur l’utilisation des EnR dans le secteur minier en Afrique, à l’intention des États, entreprises et prêteurs. Cette publication vise à les aider à adapter leur vision à l’environnement réglementaire sur le continent, et à participer au développement des projets d’énergie verte dans le secteur minier, mais aussi plus largement au bénéfice des consommateurs.

Bonne fin de semaine et à mardi prochain.

Une information à nous soumettre pour ce Bulletin Afrique ? Écrivez-nous à : stephanie.roux@cfnews.net

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