Consolidation, diversification et course à la taille redessinent les contours du capital-investissement français, dans un contexte où le secteur a gagné ses galons de classe d’actifs mature.
En quelques mois, le paysage du capital investissement français a connu plusieurs fusions d’envergure, et ce serait loin d’être fini, d’après les pronostics des professionnels du secteur : « Une trentaine d’acteurs sont en cours de discussion pour des rapprochements », rapporte Jean-Christel Trabarel, associé-fondateur du conseil en levée Jasmin Capital. Certes, il est peu probable de voir de sitôt une opération de l’ampleur du rachat d’Idinvest par Eurazeo finalisée ce printemps pour une valorisation de plus de 310 M€. Ce faisant, Eurazeo a tout bonnement doublé de taille, passant de près de 8 Md€ sous gestion à 17 Md€ en s’adjoignant les segments d’activité complémentaires d’Idinvest, spécialiste du venture, de la dette, et diversifié plus récemment dans les fonds de fonds. Rachetée à Allianz en 2010 par l’IDI (51 %) et son équipe de management (49 %), la société de gestion menée par Christophe Bavière et Benoist Grossmann avait alors été valorisée un peu plus d’une trentaine de millions d’euros. Ce qui laisse entrevoir le chemin parcouru en quelques années. De son côté, l’investisseur coté a accéléré ces derniers mois sa mutation vers une plateforme de multi-gestionnaire d’actifs, avec la structuration d’un nouveau pôle d’activité, Eurazeo Brands, à l’été 2017, pour investir - depuis les États-Unis - dans le développement des marques européennes et américaines à fort potentiel de croissance international. Et surtout en réalisant l’acquisition, l’automne dernier, d’une participation de 30 % dans Rhône, firme américaine de gestion d’investissements alternatifs, gérant plus de 5 Md€ d’actifs répartis entre ses activités de capital investissement et sa joint-venture immobilière avec WeWork, numéro un mondial des espaces de travail collaboratif. Cette transformation est le fruit d’une stratégie mise en oeuvre depuis plusieurs années visant à diversifier les métiers et les sources de croissance du groupe, présidé depuis l’année dernière par Virginie Morgon, lui ouvrant les vannes de la gestion pour compte de tiers, qui représente aujourd’hui 11 Md€ des 17 Md€ d’actifs sous gestion d’Eurazeo.
Les moteurs de la consolidation
Les LPs continuent d’augmenter leur allocation à la classe d’actifs et sont donc à la recherche de gérants ayant la capacité à absorber ces nouveaux capitaux », rappelle François Aguerre, associé chez Coller Capital, dont le dernier baromètre a sondé les états d’âme de quelque 110 investisseurs mondiaux au cours de l’automne 2018. Dans un contexte où 60 % du capital levé l’année dernière a irrigué les 50 plus gros gérants mondiaux (le top ten ayant capté 28 % du capital levé), l’engouement des grands investisseurs mondiaux pour les plateformes diversifiées ne fait aucun doute, comme il le confirme. « La majorité des LPs s’oriente naturellement vers les acteurs les plus établis, ayant une forte image de marque et une plateforme suffisamment large pour déployer efficacement les capitaux investis. » Même s’il y a une certaine distorsion entre le discours et les actes, comme le souligne un spécialiste.