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LBO : A la recherche de la croissance perdue


| 2598 mots

Sur le premier semestre, 102 LBO ont été signés, build-up compris. Une baisse sensible qui s'explique toujours par une incertitude économique. Explications et tous les tableaux en détail des deals extraits de la base CFnews

Les chiffres ne mentent pas mais peuvent surprendre. Selon les statistiques issues des bases de données de CFnews, le volume des sociétés françaises reprises en LBO a reculé de 41 % sur ce premier semestre par rapport au second semestre de l'année dernière. Au total, 102 opérations ont été conclues de janvier à juin, contre 174 sur les six mois précédents, en incluant les build-up (voir les tableaux détaillés ci-dessous). Le créneau du mid-market s’est pour sa part plutôt bien défendu avec une dizaine de deals, soit presque autant que sur l’intégralité de l’exercice précédent (lire aussi l'enquête CFnews sur les LBO LBO 2013 : au chevet des portefeuilles). Et contrairement à l’année dernière, on enregistre un méga LBO, celui d’Allflex, le leader mondial de l'identification pour animaux d'élevage, qui est passé des mains d’Electra à celles de BC Partners pour une valeur de 1 Md€. C’est en fait le créneau des petites transactions, celles valorisées moins de 20 M€, qui est largement atteint, avec seulement 37 deals (contre 92 précédemment). Et comme s’y concentre généralement l’essentiel du volume du marché, il contribue en grande partie au fort recul observé.

Un small cap à la peine

Celui-ci peut cependant étonner dans la mesure où l’on pouvait s’attendre à une embellie après une fin d’année 2012 particulièrement nuisible au climat des affaires, en partie à cause des incertitudes sur la fiscalité. Mais étant

Stéphane Bergez, Andera Partners

Stéphane Bergez, Andera Partners

donné les délais des processus de vente, lesquels ont tendance à s’éterniser, les statistiques du second semestre reflètent peut-être autant le contexte de l’automne dernier. D’ailleurs, l’environnement s’est quelque peu détendu depuis. « On sent un regain d’envie de conclure des opérations. Le facteur psychologique lié à la fiscalité ne joue plus un rôle majeur auprès des entrepreneurs, notamment depuis qu’a été annoncé un renforcement des abattements sur les plus-values de cessions », souligne Stéphane Bergez (photo ci-contre), managing director d’ActoMezz - lequel a notamment financé cette année un MBO sponsorless sur le grenoblois Kopram, spécialisé dans les lames pour outils de sciage, et un MBO organisé par Abénex Capital sur le distributeur d’équipements de protection individuelle RG Safety. « Par rapport à l’année dernière, où le contexte macro-économique était encore dominé par les craintes d’une crise de la dette souveraine, le contexte s’est également amélioré, même si l’on manque toujours de visibilité », ajoute le mezzaneur, qui vient aussi de participer à deux build-up de Rougnon, une entreprise de second œuvre du bâtiment soutenu par CM-CIC LBO Partners.

Le curent trading sur la sellette

Si l’environnement n’est plus anxiogène, il n’est pas pour autant devenu engageant. Il manque toujours l’ingrédient de la croissance économique. « Dans le deal flow, la proportion des entreprises en phase de décroissance s’est accrue. De même d’ailleurs que les business plan présentant des scénarios de reprise en V,

Jean-Bernard Meurisse, Initiative & Finance

Jean-Bernard Meurisse, Initiative & Finance

mais souvent les ressorts du rebond n’y apparaissent pas clairement », observe Jean-Bernard Meurisse, président d’Initiative & Finance - qui a tiré son épingle du jeu au premier semestre, avec près de 20 M€ placés dans un build-up et trois nouvelles lignes, dont le fournisseur de progiciels Akanea - aux côtés d’Argos Soditic – et le conseil en ingénierie Vulcain. « Beaucoup de processus restent donc actuellement en suspens, dans l’attente que les prévisions se concrétisent. En règle générale, il est de toute façon devenu difficile de se baser sur les performances passées, même les plus récentes, pour fixer une valorisation », ajoute l'investisseur (photo ci-contre).
Les doutes sur le current trading n’épargnent aucun créneau. Ainsi dans les large cap, les cessions du groupe de mode Vivarte et du groupe de restauration collection collective Elior, tous deux contrôlés par Charterhouse, auraient pu voir le jour au premier semestre; c'est toujours en cours. Parfois, ils font même capoter des contrats de vente, comme celui signé entre Astorg Partners et Areva concernant sa filiale de mesure nucléaire Canberra, dont la reprise, estimée autour de 300 M€, aurait prétendument échouée sur le sujet du financement.

Processus masqués

Dans un marché où cédants et acquéreurs se rejoignent à reculons sur la question du prix, les processus de vente s’organisent désormais de manière à réduire toute incertitude quant à leur issue. « Les enchères ouvertes où l’on essaye d’obtenir le meilleur prix possible pour un actif sont plus rares. Aujourd’hui certains vendeurs préfèrent fixer une valeur plancher pour laquelle ils sollicitent un nombre limité de candidats à travers des négociations de type gré à gré », explique Charles Andrez (photo ci-contre), managing director de Canaccord Genuity - dont le bureau parisien a conseillé le rachat de groupe de métrologie Trescal par Axa Private Equity auprès de 3i et TCR Capital. La peur de devoir avorter un processus mène parfois à des tractations plus subtiles, où le cédant ne se déclare pas formellement vendeur tout en sondant quelques contreparties susceptibles de satisfaire son prix fixé à l’avance. « Ces processus masqués, où l’on feint d’accorder une exclusivité en toute confidentialité, deviennent courants. Mais toute le monde finit rapidement par le savoir que la société est à vendre ; c’est un jeu de dupes », déplore un investisseur qui préfère garder l’anonymat.

Flight to quality à l’international

Il est une catégorie cependant qui ne souffre pas de marchandages alambiqués, celle des très beaux actifs. Bénéficiant d’un phénomène de fligth to quality, propre à tout marché nerveux, ceux-ci se monnayent toujours très bien, jusqu’à 10 voire 12 fois l’Ebitda. « En fait, les fonds acceptent de les payer dès aujourd’hui le prix de demain, avec une prime donc, pour éviter d’être mis en concurrence. La plupart du temps, ils mènent ensuite une stratégie de build-up sur la base de multiples inférieurs afin d’amortir cette prime », décrypte Rémi Carnimolla, managing director chez 3i (photo ci-contre). Etant donné l’apathie de l’économie française, il n’est pas anodin que la quasi totalité des belles opérations de mid-market ait porté sur des entreprises en phase d’internationalisation. A l’instar notamment du fabricant de produits d'étanchéité Flexitallic, tout juste passé d’Eurazeo PME chez Bridgpoint ; de l’enseigne de décoration Maisons du Monde, fraichement reprise par Bain Capital au trio Apax Partners, LBO France et Nixen ; du groupe de prêt-à-porter SMCP, dans lequel KKR a pris le relais de L Capital et Florac ; ou de l’entreprise de fret aérien European Cargo Services, qui a quitté Chequers et Equistone pour Alpha. « Actuellement, il est difficile de miser sur un business plan qui repose entièrement sur le marché hexagonal », assure Rémi Carnimolla, dont l’équipe a revendu Trescal à Axa Private Equity sur la base d’environ 11 fois l’Ebitda. Il est vrai que ce groupe, qui a déjà accru ses revenus de 110 à 157 M€ entre 2010 et 2012, ambitionne de doubler de taille en cinq ans, sur un marché mondial toujours très éclaté où il a identifié une quarantaine d’opportunités de rachats. « Trescal présente le profil idéal : une position de leader sur un marché de niche, avec un fort relais de croissance à l’international. En général, la diversification géographique est une composante que nous privilégions dans le choix des sociétés », indique Thibaut Basquin, managing director chez Axa Private Equity.

Rotation des portefeuilles

De fait, le marché du LBO est souvent comparé de nos jours à celui de l’immobilier, de part son faible volume et la prime donnée aux plus beaux actifs. Sauf que les gérants de private equity sont moins propriétaires que locataires des entreprises qu’ils soutiennent. Et ne peuvent indéfiniment renouveler les baux sur les nombreuses affaires entrées en portefeuille avant 2008. « Il est déjà surprenant qu’ils aient pu les garder aussi longtemps. Dans l’ensemble ils ont pu obtenir assez facilement une extension de la maturité des FCPR de un ou deux ans, mais les LPs commencent à leur faire sentir la pression. Les managers eux-mêmes finissent également à laisser percer une certaine impatience, ils souhaitent passer à une nouvelle étape et repartir dans un nouvelle dynamique », commente Charles Andrez. En outre, ceux-ci ont une motivation d’ordre pécuniaire à voir les LBO se déboucler. « Il y a un problème d’alignement d’intérêts entre les fonds et les managers quant au calcul de la performance. Les fonds raisonnent désormais en termes de multiples alors que l’essentiel des management packages ont été conclus sur la base de TRI. Les dirigeants ont donc une incitation à sortir plus tôt », rapporte Benoît Martel, associé-gérant de Skillcapital, un conseil en performance dédié aux fonds de private equity.
Alors qu’environ 60 % des sociétés acquises en 2007 et 2008 sont toujours en portefeuille, il faut s’attendre à ce que les gérants se montrent plus flexibles en matière de valorisation dans les tous prochains trimestres. En marge des sorties classiques, des alternatives seront également explorées. « Une solution pour les vendeurs sera de réinvestir dans le cadre de la reprise, en vue de partager la valeur ajoutée qu’ils n’auront pu pleinement capter lors de la sortie », indique Thibaut Basquin (photo ci-contre). D’aucuns pourraient adopter une alternative plus drastique, en allant mettre sur le marché secondaire la totalité d’un véhicule. « Des fonds de fonds commencent notamment à s’y intéresser. Pour les sociétés en portefeuille, cela aurait l’avantage de rallonger l’horizon de sortie de deux ou trois ans », indique Benoît Martel.

Plus d'equity mais du levier disponible

Sauf sursaut de crise bancaire, le financement ne devrait pas perturber la rotation des portefeuilles. Certes, en la matière, on peut toujours voir le verre à moitié vide plutôt qu’à moitié plein, et regretter que la dette senior soit si longue à se mettre en place et peine à dépasser les 3,5 fois l’Ebtida, sauf pour les business plan d’exception. Mais les GPs savent à quoi s’en tenir : un LBO se fait désormais avec environ 40 % d’equity en plus qu’à la belle époque. Reste que les craintes de voir les guichets se fermer ont disparu. « La dette est suffisante et même abondante pour les opérations les plus belles. Une bonne partie provient des Etats-Unis, notamment sous la forme de high yield, et à des conditions plutôt avantageuses puisque les covenant lite ont récemment fait leur retour », observe Benoît Martel (photo ci-contre). De fait, quatre banquiers nord-américains - Morgan Stanley, BoA-Merril Lynch, Goldman Sach et Royal Bank of Canada - se sont chargés d’arranger la dette d’Allflex, soit 810 M$ répartis en une tranche B de 540 M€ et un second-lien de 270 M€, selon certaines sources.

La relève du financement alternatif

Pour ce qui est du marché obligataire à haut rendement, KKR l’a sollicité à hauteur de 290 M€ pour la reprise de SMCP, soit 4,5 fois son Ebitda à fin mars dernier. Bain Capital envisage pour sa part d’y collecter tout prochainement plus de 300 M€ pour le LBO ter de Maisons du Monde, rachetée 650 M€. En outre, quelques refinancements de dette senior s’y sont récemment déroulés, comme celui du laboratoire d’analyses biologiques Cerba, controlé par Pai Partners, pour un montant de 355 M€ ou celui du réseau de cliniques Médi-Partenaires, détenu par LBO France, pour un montant de 385 M€. Il est vrai que marché du high yield peut se refermer rapidement, et l’offre de dette senior se contracter davantage. Mais l’émergence des fonds de dette privés constitue une véritable alternative. Axa Private Equity s’est ainsi distingué en apportant une unitranche de 220 M€, la plus importante en Europe à ce jour, pour le LBO ter de PAI Partners sur le distributeur de fourniture industrielles IPH. Et les levées de fonds des acteurs du private debt vont bon train, à l’exemple d’ICG, qui ambitionne de collecter 1 Md€ d’ici à la fin de l’année pour son véhicule de dette senior dédié au mid-market ou d’Indinvest, qui vient de clore à hauteur de 281 M€ - soit 31 M€ de plus que visé - son FCT de dette senior spécialisé dans les stratégies de build-up des PME européennes.

En attendant la croissance

Avec une visibilité quasi nulle, peu de professionnels se hasardent à livrer des pronostics sur le second semestre. On peut cependant espérer que le récent effondrement du small cap n’était qu’un passage à vide, en partie imputable au contexte fiscal français. D’ailleurs, la prochaine Loi de finances, qui devrait confirmer un allégement de la fiscalité sur les plus-values mobilières, sera surveillée de très près. Les yeux resteront aussi braqués sur le current trading, dans l’espoir d’y détecter la moindre embellie. Sur le mid et large market, où les deals en préparation sont davantage connus, il ne faut guère s’attendre à un regain d’activité après un début d’année somme toute honorable. Parmi les prétendants figurent notamment Nocibé, la chaîne de distribution de parfums détenue par Charterhouse, qui a fait l’objet d’une offre de LBO France et de l’enseigne de parfums Douglas - elle-même contrôlée par Advent. Deux lignes d’Astorg Partners sont également sur la voie de sortie : le leader français des services funéraires OGF, pour un montant convoité de plus de 800 M€, et Onduline, le fabricant de toitures légères, également soutenu par Abénex. Et toujours le leader européen du diagnostic médical Labco, pour lequel 3i, qui en détient 20 %, a donné un mandat à Rothschild & Cie, fin 2012.
Enfin, sur les prochains trimestres, il est malheureusement à craindre qu’une partie de l’activité des GPs consiste encore à traiter les actifs en difficultés. A l’exemple de la Saur, qui vient d’échapper au redressement judiciaire, mais dans lequel les actionnaires ont tout perdu et les créanciers devenus actionnaires. Il vient d'en être de même pour Terreal, qui vient de boucler sa restructuration. Rares en effet sont les équipes qui n’ont pas en portefeuille des sociétés en souffrance, et pour lesquelles la conjoncture 2013 n’a fait qu’aggraver la situation. Pour le pire ou pour le meilleur, tout le monde veut voir la croissance au bout du tunnel.

Téléchargez les tableaux issus des bases de données CFnews.

Evolution des LBO en volume

Répartition des LBO par valorisation

Liste des LBO supérieurs à 100 M€

Liste des LBO valorisés de 20 à 100 M€

Evolution des LBO valorisés moins de 20 M€

Evolution des LBO par type

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