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LBO-Managers: la préemptive change la donne


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La multiplication des LBO secondaires s'accompagne de deals préemptés où le rôle du manager est clé. Relation forte avec les banques de la dette, choix du repreneur et packages avantageux, sur des LBO secondaires ou tertiaires, le dirigeant français est devenu la pièce maîtresse du jeu collectif.

Le marché du LBO accélère le rythme depuis janvier. Les opérations de taille se succèdent (voir le tableau CFnews récapitulatif des deals ci-dessous) et, pour prendre part aux plus beaux deals, mieux vaut être réactif. Pour les LBO bis de Spie et Saverglass, l’OBO bis de Kiloutou, le MBO bis de Novacap ou encore le LBO ter d’Interflora ou de Webhelp, entre autres, pas le temps de participer aux enchères. Toutes ces belles cibles transmises sur une valorisation au-dessus de la barre des 100 M€ et allant jusqu’à 2 Md€, ont en effet fait l’objet d’une préemption. Une spécificité liée à la concurrence qui fait rage actuellement sur un marché en reprise couplée à des réserves de cash importantes dans les fonds. Une situation qui implique une mise en avant des managers, au rôle désormais prédominant. « Avant la crise, des auctions pouvaient très bien se réaliser sans l’im

Lionel Scotto le Massese, Scotto Partners

Lionel Scotto le Massese, Scotto Partners

plication du manager qui découvrait a posteriori, le prix et le financement. Aujourd’hui, il détient un rôle central dans des opérations de transmission de LBO qui peuvent par ailleurs, très bien se faire en dehors du circuit organisé des enchères », explique Lionel Scotto, associé du cabinet éponyme (photo ci-contre) qui est depuis plus de quinze ans spécialisé dans le conseil des managers. Et, si le dirigeant a son mot à dire ou va jusqu’à aller chercher lui-même son repreneur, comme dans le cas de Novacap repris par Axa PE et LBO France (lire l’article ci-dessous), il détient aussi un rôle central sur le financement de l’opération. « Le manager est dorénavant beaucoup plus impliqué sur la négociation financière. La période où il découvrait au closing, la documentation est révolue », explique Xavier Jaspar, associé chez Mayer Brown qui est intervenu comme conseil du management dans le dossier Delachaux (photo ci-contre). Et les banques du financement, de plus en plus exigeantes, selon nombres d’acteurs du marché, pousseraient, elles aussi, à une implication très forte des dirigeants dans les transmissions de LBO, demandant fréquemment un réinvestissement de 50 % après impôt. « Si le management n’est pas associé, la banque ne suit pas », appuie Pierre-Olivier Bernard, associé chez Fidal qui a conseillé la reprise de Novacap. Alors, face à des process express qui mettent les managers à l’honneur, comment se redistribuent les cartes et les influences ?

Le fonds vendeurs et le prix de réserves

Tout d’abord, une idée forte ressort dans le sérail des acteurs du LBO : la prépondérance du manager est spécifique à la France. Dans les autres pays, notamment de culture anglo-saxonne, le majoritaire, quel qu’il soit, est le décisionnaire alors que dans l’Hexagone, il est en effet très rare qu’un deal se fasse sans l’accord de la direction opérationnelle. « Les management package, chez nous restent les plus intéressants », ajoute même un banquier expliquant que ce sont les conseils financiers spécialisés qui ont créé une demande. « Ils ont fait beaucoup pour la création d’un marché autour du chef d’entreprise, notamment dans les cas de transmission de LBO », explique-t-il.

S’imposer par son track-record

Mais si le manager français a du poids dans le monde du corporate investissement, il faut tout de même qu’il avance les preuves de son incontournable présence. « Il y a deux types de managers. Celui qui est un salarié compétent, mais qui n’a pas la main sur le futur actionnaire financier et celui qui est consubstantiel à l’entreprise. Dans le second cas, ça se voit très rapidement, et personne n’a l’idée de faire sans ou contre », explique Eric Delorme, associé chez Callisto, conseil financier des managers (photo ci-contre) qui cite comme exemple des managers charismatiques comme Loïc de Gromard de Saverglass qui vient de repartir avec Astorg Partners (lire ci-desssous) ou Jean-Pierre Colliaut qui a gravi tous les échelons de l'entreprise familiale Delachaux. Le groupe coté de construction mécanique n’a pas été préempté, mais le rôle du manager dans cette exclusivité à 1,1 Md€ est reconnu pour avoir été prépondérant. On retrouve aussi bien sûr, Gauthier Louette, dirigeant de Spie, et recordman de la plus importante opération européenne en LBO depuis janvier et le plus gros LBO français depuis 2008. Ce dernier a en effet largement collaboré à faire du quatrième groupe européen d'ingénierie électrique, une vraie cash machine.

Les exceptions à la règle

L’entrepreneur qui peut imposer ses choix n’est en effet que rarement celui d’un LBO primaire. Le dernier exemple en date est Foncia (lire l’article ci-dessous). Vendu par BPCE pour 1,017 Md€, à Bridgepoint et Eurazeo, le deal n’a pas vraiment impliqué la direction surtout au niveau du second cercle de managers. Dans les cas de spin-off industriel qui repartent avec des fonds en LBO primaire, s’imposer est aussi très difficile pour les dirigeants. « D’ailleurs on peut remarquer que les plus gros gadins se trouvent sur les LBO primaires, car le management accepte, notamment, des situations très tendues », souligne Lionel Scotto. « Au deuxième ou troisième tour de LBO, le manager commence à être rôdé sur ce que représente un actionnaire financier comme contrainte et comme avantage. Il peut peser sur les débats en mettant en avant son track record », conclut sur ce point Henri-Pieyre de Mandiargues, associé chez Curtis.

S’accorder sur le prix de réserve

Si les managers ont du poids dans des opérations de LBO à partir du « bis » pour le choix du repreneur, il ne faut cependant pas perdre de vue que si le prix offert ne correspond pas aux attentes du fonds, aucune chance pour que le deal aille jusqu’au bout. Sur la transmission de Karavel-Promovacances à LBO France qui n’est pas un deal préempté mais représente aussi un bon exemple de management incontournable, « les réflexions sur l’évolution de l’actionnariat du groupe entre le management et Barclays PE ont débuté en octobre. Nous sommes arrivés à la conclusion que c’était le bon moment pour vendre et nous avons trouvé une valeur équitable pour tout le monde », explique Frédéric Jannin, associé chez Olyrin (photo ci-contre), conseil financier des managers, et en l'occurrence d'Alain de Mendonça et de son équipe. Barclays PE qui avait mandaté Leonardo sur l’opération a ainsi défini un prix palier en dessous duquel il ne descendrait pas et a laissé aux managers, qui ont vu une dizaine de fonds, le choix du repreneur. « La donne change, les fonds ont tendance à chercher très en amont à créer des liens avec les managers, afin d’être positionnés sur les deals. Ainsi, les managers ont parfois avant le début d’un process une idée très précise des fonds avec lesquels ils souhaitent s’associer », explique Thomas Gaucher, executive director de la banque d'affaires Easton Corporate Finance.

Une offre ferme, rapide et bouclée

Ce fut le cas pour Spie, Kiloutou ou Webhelp, pour lesquels selon nos informations, le choix du repreneur était déjà avancé avant une remise d’offre et la finalisation des VDD. Une situation qui ne veut cependant pas dire que le fonds vendeur ne s’est pas intéressé au choix du meilleur repreneur, mais plutôt que les candidats à l’achat se positionnent très en amont de l’opération. PAI sur Spie prend d’ailleurs cette position, expliquant qu’en tant que sponsor, il a largement discuté de la sortie notamment en termes d'arbitrage entre l'IPO et le LBO secondaire et sur le choix du repreneur le plus pertinent. Un point que confirme Patrick Sandray, directeur de la partie financement de SG-CIB. « Sur l’opération Spie, nous avons travaillé très en amont sur un potentiel stapple avec différentes structures possibles afin d’offrir aux fonds acheteurs toutes les cartes pour réaliser leur arbitrage (y compris dans une possible approche préemptive) », explique-t-il. La préemption n’est en effet pas toujours du fait des managers, les fonds pouvant très bien s’entendre entre eux ou tout simplement favoriser ce type d’opération qui permet d’aller très vite.

A noter que le candidat à l’achat doit quand même faire une offre convaincante. « Le prix est souvent légère

Jean Baptiste Marchand, Natixis Partners

Jean Baptiste Marchand, Natixis Partners

ment plus élevé que celui de réserve, mais à quelques pourcentages de différence, cela ne modifie pas la volonté de réinvestissement du management », poursuit Henri-Pieyre de Mandiargues. La préemption n’est par ailleurs pas une exclusivité, mais une offre ferme et doit donc être menée à son terme, peu importe que l’acheteur obtienne ou pas les financements. Au cas où la banque de la dette ne suit pas, il s’engage donc à régler avec ses deniers, l’addition. « Les offres préemptives émanent le plus souvent dans le cadre de processus concurrentiels. Elles n'ont de sens pour les vendeurs que si elles ne sont soumises à aucune conditions suspensives », rappelle Jean-Baptiste Marchand, associé chez Leonardo (photo ci-contre).

Des packages avantageux

Si

Alexandre Dejardin, Jeausserand Audouard

Alexandre Dejardin, Jeausserand Audouard

le prix offert doit être élevé pour une préemptive, elle exclut cependant une course au prix à l’inverse du roadchow structuré pour cela. Un point positif pour la direction qui n' a pas elle-même intérêt à partir dans une enchère. « Le management qui va devoir réinvestir significativement dans l’opération n’a pas intérêt à favoriser une valorisation trop élevée. Une situation qui peut générer des conflits. Il doit donc discuter avec le fonds vendeur sur le prix de réserve. Une fois qu’il y a un alignement d’intérêt, le manager peut choisir celui avec lequel il veut poursuivre », ajoute Lionel Scotto. Et comme personne n’a intérêt à ce qu’il y ait un conflit entre vendeur et manager, qui rallongerait le processus de vente et impacterait directement la valeur, tout le monde cherche à écrire au mieux l’equity story. La préemption en mettant le manager à l’honneur, lui donne aussi les moyens de négocier des packages à son avantage, sa présence dans l’entreprise étant gage de réussite du business plan. « Un management motivé c’est la clé de la réussite, il n’est donc pas étonnant de voir des packages très bien négociés », constate Alexandre Dejardin, collaborateur chez Mayer Brown (photo ci-dessus). Un point de vue corroboré par Isabelle Chazarin, responsable du développement entrepreneur chez Neuflize OBC qui se place du côté de la dette des managers. « Nous constatons que dernièrement, les packages sont revus avec des seuils de rétrocessions plus favorables pour les managers et des conditions de TRI à atteindre plus faibles », explique-t-elle. Et « Spie notamment est caractéristique d'une opération où le man agement prend son destin en main et impose des conditions très fermes en matière de package, grâce à de très bons résultats et une légitimité reconnue », nous expliquait récemment Véronique Lacarelle, collaboratrice (photo ci-contre) et Nicolas Menard-Durand, associé chez Scotto qui soulignaient qu'il y a une volonté très forte dans le groupe d'élargir le management package pour le faire passer de 250 à 400 personnes et de donner accès à tous au FCPE. Un FCPE qui concernerait, selon nos informations, 6 000 salariés de Spie, pour un montant valorisé après la cession à 100 M€. Mais si le manager est l’objet de toutes les attentions, reste à ce que la banque soit convaincue du projet. « Dans certains cas la banque a désormais tendance à considérer qu’elle prête aux managers portant « l’equity story » plus qu’aux fonds, ces derniers sont donc de plus en plus sollicités », poursuit Alexandre Dejardin.

La banque et l’homme clé

Les é quipes de management jouent en effet aujourd’hui un rôle clé dans l’obtention des financements auprès des désormais systématiques pools de banques qui préfèrent se partager le risque. « Le temps où les managers découvraient ce que sont les covenants au moment d’une difficulté paraît enterré. Aujourd’hui les managers négocient et s’intéressent aux procédures collectives », explique Pierre-Olivier Bernard, associé chez Fidal (photo ci-contre). Les managers sont donc plus impliqués, mais dans un marché où trouver des financements est devenu plus compliqué, les garanties demandées aux managers sont de plus importantes du point de vue financier comme juridique, selon les conseils et avocats. Certaines banques n’hésitent en effet pas à aller voir dans la cuisine interne entre fonds et managers. « On retrouve désormais une interaction très forte entre la dette bancaire et le pacte d’actionnaire. On peut même être conduit à revoir un pacte pour qu’il soit cohérent avec les demandes des banques qui regardent les transferts de titres, note Pierre-Olivier Bernard ajoutant qu’il arrive que les banques demandent les documents juridiques entre les fonds et le manager. »

50 % de la mise après impôts

Les dir igeants actionnaires s’impliquent de plus en plus aux côtés des fonds de LBO dans la recherche des financements, la négociation et le montage des opérations. Largement conseillés, ils proposent même parfois des sources alternatives aux dettes seniors (mezzanine, obligations etc) et confrontent les acteurs pour vérifier si le financement choisi est le plus pertinent pour l’entreprise. Et comme un bon management package garantit la motivation du manager côté fonds, du coté des banques, c’est la mise financière qui est le gage de la véracité du business model. « L’implication financière du manager est décisive pour la crédibilité du deal auprès des banques qui demandent désormais un réinvestissement quasi- systématique de 50 % de la mise après impôts dans le LBO suivant, contre 20 à 40 % avant la crise », explique Lionel Scotto. Un chiffre qui revient régulièrement dans le marché, comme une nouvelle norme. Une mise importante que les managers, au patrimoine fournit après un premier ou un second LBO réussi, ne rechignent pas à placer. « Dans le cadre d’un LBO secondaire, le manager accepte de remettre au po t, car il comprend son risque », poursuit Hervé Couffin, associé chez Callisto (photo ci-dessus) qui a conseillé l’opération sur Saverglass par exemple. Du côté de la dette individuelle, « le manager est la caution du business plan, mais il ne faut cependant pas le mettre dans une situation de stress où il fournirait un effort trop lourd sur sa situation personnelle », relativise Isabelle Chazarin (photo ci-contre) qui défend une approche patrimoniale partagée avec les fonds d'investissement et constate fréquemment que « le manager préfère structurer son prêt dans une autre banque que celle du fonds pour avoir en parallèle au financement une approche conseil patrimonial personnalisé ».

Protection des fonds propres, cas de défaut et gouvernance

Côté banque des deals, la perception semble bien différente car les principaux acteurs ne notent pas d’évolutions significatives sur un poids croissant du managers, expliquant avoir des niveaux d’exigences inchangés. « Les banques ne sont pas en position de force, elles protègent juste leurs fonds propres. Nous avons besoin de savoir qu’un manager, qui est déjà riche, va rester investi. Nous demandons donc en toute logique à travailler avec lui. Mais en réalité, nous n’avons aucun moyen de garantir qu’un manager reste aux commandes de l’entreprise. Ce qui est bien normal, vous ne pouvez pas forcer quelqu'un à rester », commente un acteur du financement de LBO (photo ci-contre). Un point de vue partagé par l'un des ses alter égos dans une autre banque. « L’investissement de l’équipe de management a toujours été un paramètre central de nos due diligences. L’alignement des intérêts entre chacune des parties est une clé de réussite et vérifier si le manager est motivé paraît être la base de toute opération, explique-t-il en ajoutant, nous n’avons pas accès aux mécanismes détaillés du management package ». Même point de vue de la part d’un troisième banquier de la place, « les management package ne nous concernent pas, nous ne les regardons donc pas. Cependant, si le manager part, c’est bien normal que son départ soit considéré comme un cas de défaut, puisque sa présence est une condition de l’octroi des financements. On se met donc autour de la table et on rediscute », souligne-t-il.

Pour Xavier Jaspar chez Mayer Brown, cette demande des banques pose un vrai problème de gouvernance, d’autant que parfois certaines banques souhaitent même pouvoir peser sur la décision de l’actionnaire quant au départ ou au recrutement du management. « Ce point va nécessairement impacter la négociation du management package et donner un levier (et une responsabilité) importants au management », explique-t-il. Pour Fédéric Jannin, le poids des demandes des institutions financières finit aussi par poser des questions en termes de gouvernance. « Les banques sont tiraillées car leur besoin croissant de protection et de contrôle augmente au final le risque pour elles de se voir qualifiées de g estionnaire de fait en cas de difficultés de l’entreprise », poursuit-il.

Nantissement sur les titres du manager

Cependant si les banques se défendent d’être de plus en plus strictes sur les conditions de financement, avocats et conseils financiers s’accordent à dire qu e les discussions sont de plus en plus « rigides » et expliquent faire face à des demandes parfois « inutilisables voire contre-productives ». Un des exemples de ce durcissement semble être le développement des nantissements sur les titres du manager. « Auparavant, les banques demandaient moins de garanties sur les titres des managers. Aujourd’hui elles demandent la même chose aux fonds et aux managers et nantissent tous les titres », souligne Carole Degonse, associée chez Curtis (photo ci-contre) qui note qu’elle est de plus en plus conduite à négocier avec les banques quand elle s’occupe du conseil management. Une démarche confirmée par Alexandre Dejardin chez Mayer Brown qui souligne à nouveau la question de la gouvernance. « Les banques demandent de plus en plus souvent des nantissements ou des promesses de ventes sur les valeurs mobilières détenues par le management de manière à pouvoir prendre le contrôle de la holding de reprise en amont de la mise en œuvre d’une procédure de sauvegarde », poursuit-il. Pour exemple, lors de reprise de B&B par Carlyle, à la fin de l’été dernier, l’ensemble des titres ont été nantis (lire l’article ci-dessous).

Et pour trancher dans le débat entre banque et autres acteurs du LBO, Frédéric Jannin, associé chez Olyrin Partners semble avoir un élément d’explication. « La question de la légitimité des managers n’a pas vraiment changé. Par contre ce qui a évolué c’est le fait que les business plan sont de plus en plus difficiles à vendre et imposent donc de s’appuyer de plus en plus sur la conviction du management qui prend logiquement plus de poids », conclut-il. Et si le management prend du poids, choisit son repreneur et en plus devient la clé du financement, quid du rôle de la banque d’affaires dans un marché propice à la préemption ?

La banque d’affaires face à la préemption

« Le rôle de la banque d’affaires change dans un processus de préemption. Elle n’est plus là pour faire monter les prix mais plutôt pour sécuriser le prix de réserve, lance Lionel Scotto qui ajoute que l’on peut faire des deals en dehors de tout mandat de vente.» Un pavé dans la marre du business de ces dernières qui ne comptent pas se laisser cantonner aux mandats d’achat et plaident pour la reconnaissance de la part immergée de l’iceberg. Ambassadeur du prix, garantie pour le fonds ou acteur souterrain œuvrant pour le développement des conditions d’une préemption, quelles fonctions pour la banque d’affaires dans les deals éclairs ?

La caution du bon prix

« Certes, la banque d’affaires a toujours intérêt à faire monter le prix dans une auction, cependant il ne faut jamais exclure que le financement ne soit pas au rendez-vous et se discréditer auprès des autres fonds au cas où l’opération repartirait en open-bid serait dangereux », nuance Pierre-Olivier Bernard associé chez Fidal. La banque d’affaires n’est donc pas un commissaire-priseur, ne serait ce que parce-que pour pouvoir continuer de nouer des relations de confiance avec de futurs investisseurs notamment dans le cas d’une future revente après la période d’investissement de quatre ou cinq ans du gagnant du deal. Par contre, si celle-ci n’est p as dans l’ enchère systématique, sa présence permet de garantir que le fonds a vendu sa participation à un « bon prix ». « Le vendeur a toujours besoin d’une banque d’affaires, elle lui permet de prouver à ses investisseurs qu’il est allé chercher la meilleure valorisation. C’est une caution, elle reste donc incontournable sur ces gros LBO », poursuit l’avocat qui précise que par contre sur les petits deals au sein desquels les problématiques sont souvent d’ordre familial, les opérations peuvent se réaliser sans banque d’affaires. « la préemption pourrait, si elle était mal organisée, inquiéter les banques d'affaires, mais elles sont loin d’y être opposées. Elles font un travail souterrain de préparation des deals et surtout d’ officialisation tel un ambassadeur du choix », ajoute de son côté Henri Pieyre de Mandiargues (photo ci-contre).

Favoriser la préemption

Pour exemple, dans l’opération Karavel-promovacances pour laquelle le prix était défini à l’avance, «Leonardo a apporté toute la capacité d’exécution d’une banque d’affaires de cette stature (data room, info mémo, gestion du calendrier, analyse de valorisation, etc.) et nous avons conjointement piloté le processus de cession. Par ailleurs, elle nous a aidés dans la réflexion et la gestion de l’interaction avec les fonds, en partageant leur connaissance des acteurs du marché et leur sensibilité sur les motivations réelles des candidats à aller jusqu’au bout. La mission de la banque dans le cas d’espèce n’était pas de faire monter les enchères mais de sécuriser la bonne fin de l’opération », souligne Fréderic Jannin. Alors finalement cet intermédiaire ne lutterait pas contre la préemption et serait même favorable à son développement à travers un travail de l’ombre. « La banque d’affaires, sur de très beaux deals comme ceux que l’on a vu dernièrement, a tout intérêt à créer les conditions d’une possible préemption », explique Thomas Gaucher, Executive Director chez Easton Corporate Finance (photo ci-contre). Un process rapide est, en effet, positif sur la valorisation d’une entreprise. « Une période de vente pour une entreprise et un management est toujours déstabilisante. Nous sommes mandatés pour délivrer de la performance opérationnelle et plus ça se fait vite et très souvent, mieux c’est », poursuit le spécialiste. Par ailleurs, la fameuse question du prix de réserve se fait en discussion avec la banque d’affaires qui grâce à son track-record de deals sait en général, quel fonds pourrait être intéressé au prix défini. « Pour réaliser une opération, la connaissance que nous avons des fonds d'investissement joue fortement. Nous sommes le plus souvent mandatés par l’ensemble des actionnaires, y compris les managers et notre rôle, outre l'optimisation des conditions de l'opération pour les vendeurs, est d'identifier le meilleur partenaire pour le projet futur. Nous entretenons également une grande proximité avec les banques et mezzaneurs afin de permettre à ces derniers de se forger le plus tôt possible une forte conviction sur l'opération envisagée et sur le projet du management », ajoute Jean-baptiste Marchand, associé chez Leonardo.

Tout le monde a donc intérêt à la préemption. Le manager qui, sollicité par les fonds candidats au rachat, se retrouve dans une position de force pour négocier son package et a la main sur le choix son futur partenaire. Le fonds vendeur, car il obtient un prix légèrement supérieur à son prix de réserve et fait l’économie d’un long process qui pourrait entamer la valorisation et perturber l’entreprise. Le fonds acheteur qui ne loupe pas la pépite du moment même s’il paye un peu cher. La banque d’affaires à qui il importe finalement de voir un deal se closer. Restent l es banques, pour qui préemption ou pas, le manager reste la clé pour l’obtention des financements et les avocats qui constatent les mouvements et adaptent par conséquent leurs offres de conseil. Attention cependant à ne pas froisser le marché, un deal n’étant jamais fait d'avance. Enfin, la préemption et les offres fermes qui en découlent se développent, mais il ne faut pas oublier que les financements sont encore fragiles. Si les fonds peuvent aller vite, les banques, elles ne sont pas dans le même rythme et la structuration de la dette prend du temps », conclut Thomas Gaucher. Interflora, préempté mi mai par Chevrillon Associés et HLD pour 150 M€, soit 9 fois l'Ebitda, est toujours en cours de financement.

Et voir :

Tableau des LBO de plus de 100 M€ depuis janvier 2011

Sur les deals préemptés :

Interflora préempté par... (18 mai 2011)

Spie dépasse la barre des 2 Md€ (31 mai 2011)

Saverglass embouteille son LBO bis (06 mai 2011)

Webhelp fait un call sur son LBO ter (03 juin 2011)

Kiloutou finalise son second LBO (4 avril 2011)

Novacap synthétise un deuxième LBO (19 janvier 2011)

Sur les deals non préempté mais avec un manager impliqué :

Delachaux change de mains ( 24 mai 2011)

Nouvel eldorado pour Karavel/Promovacances (27 mai 2011)

et aussi :

Foncia repart en copropriété (12 mai 2011)

B&B Hôtels loge Carlyle (29 septembre 2011)

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