Dans un contexte de crise économique touchant l’ensemble de l’Europe, face au nombre toujours élevé des procédures collectives en France, le gouvernement a fait de la réforme du droit des entreprises en difficultés une priorité. Aussi, le parlement l’a habilité à agir par voie d’ordonnance pour faire évoluer les procédures du Livre VI du Code de commerce. Après consultation des différents acteurs du secteur, le projet d’ordonnance « portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives » est actuellement soumis au Conseil d’Etat et devrait être présenté lors du conseil des ministres du 26 février prochain.
Afin de favoriser le redressement des entreprises en difficulté, la réforme met l’accent sur les procédures de prévention (mandat ad hoc et conciliation), incite les nouveaux financements dans le cadre des restructurations et renforce les droits des créanciers dans le cadre des procédures collectives. Le gouvernement souhaite inciter les débiteurs à avoir recours aux procédures amiables de prévention des difficultés des entreprises, avant que la situation ne requière l’ouverture d’une procédure collective. Le privilège de « new money » voit son champ d’application élargi. Désormais, les apports effectués durant la procédure de mandat ad hoc en bénéficieront. De plus, ces créances seront favorisées puisqu’elles ne pourront faire l’objet de rééchelonnement d’office dans le cadre du plan de sauvegarde.
La loi du 10 juin 1994 puis la loi de sauvegarde du 26 juillet 2005, avaient déjà renforcé certains droits des créanciers (instauration de comités, privilège de « new money », absence d’extinction des créances non déclarées n’ayant pas fait l’objet de relevé de forclusion…), souvent considérés comme mis à mal par les dispositions originaires de la loi du 25 janvier 1985. Toutefois, certains dénonçaient encore un déséquilibre des forces entre le débiteur et les créanciers. Le projet d’ordonnance améliore donc la situation des créanciers face au débiteur.
Apport majeur de la réforme, non seulement les créanciers se voient octroyer la possibilité de présenter un plan concurrent de celui du débiteur, mais également celle d’exproprier les actionnaires qui pourront se voir imposer une cession de leurs titres ou une conversion dilutive des dettes en capital.
L’ordonnance renforce également le contrôle des pouvoirs publics. Ainsi, le Ministère Public devra être consulté en amont de la décision du juge, sur les conditions de rémunération du conciliateur et du mandataire à l’exécution de l’accord acceptées par le débiteur. Un avis préalable du Parquet est requis pour l’ouverture de la procédure de conciliation.S’agissant enfin des représentants du personnel, le projet d’ordonnance renforce leur implication. Selon les dispositions du nouvel article L. 611-8-1 du Code de commerce, ils devront ainsi être informés par le dirigeant de la procédure de conciliation en cours et du contenu de l’accord lorsqu’il demande son homologation.
Ce rééquilibrage des pouvoirs va néanmoins demander un effort de pédagogie important des praticiens puisqu’il s’accompagne d’un changement de terminologie et de la création d’une nouvelle procédure, la sauvegarde anticipée, dont la sauvegarde financière accélérée devient une des branches.