Broceliande, France Frais, Martine Spécialités, Europe Snacks.. Zoom sur 60 transactions- avec le tableau deal par deal de CFnews- souvent conduites par les industriels, depuis le début de l'année.
L’annonce récente par l’Américain Kraft d’une offre hostile de 10,2 Md£ sur le confiseur anglais Cadbury serait-elle le présage d’un retour aux grandes manœuvres de concentrations dans l’agro-alimentaire ? Ce secteur résistant face à la crise, car moins cyclique, a, en tout cas déjà connu bon nombre de transactions en France depuis le début de cette année. Sur les 60 opérations référencées par CFnews, 38 sont le fait de rapprochement entre industriels du secteur depuis le 1er janvier. Le capital investissement reste en retrait, rien que de très normal vu la conjoncture, avec seulement une douzaine de deals annoncés dont 7 en LBO et 6 en développement (visionnez et téléchargez ci-dessous la liste complète des deals agro-alimentaires en 2009). Neuf opérations en Bourse ont eu lieu soulignant la vivacité du secteur en cette période de crise.
Baisse de 1 à 2 points d'Ebitda
« Depuis un an, nous constatons de fortes disparités entre les transactions, certains segments ayant traversé des turbulences liées aux cours des matières premières, note Thierry Guerrin (photo ci-contre), associé et co-fondateur de Transcapital, boutique M & A dédiée à l'agro-alimentaire et conseil sur les opérations Laiterie de St Malo rentré dans le giron de Sill et Unigrains notamment ou Entr'acte repris par LDC. Ainsi, même si ce secteur a été moins affecté que d'autres, les multiples de valorisation ont perdu 1 à 2 points d’Ebitda entre 2007 et 2009. Néanmoins, les opérations du mid-cap, où nous officions en moyenne sur 25 mandats par an, résistent bien, surtout lorsque l'entreprise cédée offre une valeur stratégique. » Et la structure, qui fête cette année ses vingt ans, vient de recruter deux anciens de BNP Paribas CF, dont Philippe Hermant (lire ci-dessous).
Trois acquisitions pour LDC
Parmi les groupes les plus actifs en acquisitions cette année, on retrouve LDC, présidé par Denis Lambert (photo ci-contre), qui a signé consécutivement la reprise des sandwichs Entracte, du vendéen spécialiste de la volaille Arrivé- conseillé par un autre spécialiste du secteur Messis Finance- puis des plats cuisinés Marie (lire ci-dessous). Le groupe coté, fort de 93 M€ de capacité d’autofinancement, s’était également intéressé au polonais Tarczynski, mais les négociations exclusives ont été rompues en début du mois par les dirigeants actionnaires. Pernod Ricard a signé, à lui seul, sept cessions de marques dont la plus récente, Tia Maria, pour 125 M€. Le groupe coté de spiritueux était contraint de se délester de plusieurs actifs, suite aux exigences réglementaires issues de la reprise de Vin & Sprit, et pour alléger le poids de sa dette. En parallèle, il a également sollicité ses actionnaires en Bourse lors d’une augmentation de capital de 1 Md€. Stratégie aussi adoptée par Danone qui a consécutivement négocié une émission obligataire de 700 M€ et une augmentation de capital de plus de 3 Md€ afin de diminuer son endettement et rebondir vers de nouvelles acquisitions en Asie et dans la nutrition infantile.
Les coopératives sur le devant de la scène
Les alliances et les rapprochements ont particulièrement été actifs en région touchant, crise oblige, les mastodontes du secteur. C'est le cas dans le lait où la filière française subit de plein fouet la chute des prix face à la libéralisation des quotas engagée par l’Union Européenne. Ainsi les coopératives laitières bretonnes Coopagri, Even et Terrena qui ont annoncé leur fusion en début d’année. Dernièrement, le groupe laitier endetté à plus de 360 M€, Entremont Alliance - co-détenu par Albert Frère (63,5%) et Unicopa - a entamé des négociations pour s’allier à son concurrent Sodiaal. Mais l’ensemble du secteur se concentre pour se protéger, comme le souligne Paul Le Clerc (photo ci-contre), président du conseil M & A Wagram Corporate Finance, conseil cette année de quatre opérations en agro-alimentaire- Brocéliande cédé par Unicopa ou encore de la cession de l’activité traiteur par Loeul & Piriot à Delpeyrat (lire ci-dessous). « Face à une conjoncture difficile et à des clients puissants comme la grande distribution, les entreprises, exposées aux fluctuations fortes du prix des matières premières, se concentrent pour augmenter leur taille critique et donc améliorer leur capacité de négociation, leur productivité et leur rentabilité. D’autres arbitrent dans leur portefeuille d’activités et/ou de marques. »
L'autorité de concurrence veille
Cette concentration n'est pas sans conséquence car elle impacte in fine les consommateurs. D'où un regard attentif de l'autorité de la concurrence, comme le résume Philippe Guibert (photo ci-contre), associé spécialisé en concurrence chez De Pardieu Brocas, conseil actuellement de Brocéliande- et déjà intervenu lors de la fusion d' Agrial avec Union 7 ou lors de la constitution du groupe Axereal. "Le marché de l'agro-alimentaire et en particulier le monde coopératif se consolide depuis deux ou trois ans. Il est de fait étudié de près par l'autorité de la concurrence qui vérifie qu'il n'y a pas d'impact sur les prix pour les consommateurs, de phénomène d'entente ou de position dominante".
Six LBO en small et midcap...
Du côté des LBO, les opérations, comme ailleurs, se sont faites rares et sur des cibles plutôt small cap. « Le marché des LBO dans l’agro-alimentaire au-dessus des 50 M€ de valorisation reste gelé », souligne Gilles Sicard, Dg délégué de Céréa Capital. En 2008, nous avions réalisé une très bonne année, mais face aux difficultés bancaires, les industriels deviennent plus concurrentiels. » L’opération la plus marquante a été réalisée par ce dernier avec Azulis Capital (ex-Banexi Capital qui s'appuie depuis 2000 sur les compétences de son directeur associé Pierre Jourdain, pour l' agro-alimentaire) sur Martine Spécialités, un fabricant de pâtisseries surgelées, vendu 50 M€ par l’anglais Premier Foods. L’unique spécialiste du secteur a signé un deuxième LBO, via le conseil Aucteor, sur l'équipementier Moret Industries aux côtés de son sponsor Unigrains pour une valorisation tournant autour de 100 M€ (lire ci-dessous). La société de gestion, emmenée par Jean-François Laurain, développe une double activité de financement pour le secteur agro-alimentaire élargi. Avec 130 M€ sous gestion, Céréa Capital intervient dans les opérations de LBO majoritaires sur des cibles valorisées entre 15 et 150 M€. Plus ancienne l’activité Mezzanine, dirigée par Pierre Geerolf a déjà investi 105 M€ et est en cours de levée d’un second véhicule de 130 M€ - ce pour quoi notamment elle a engagé Hubert Lange, ex Gilde, récemment (lire ci-dessous). la structure a dernièrement financé le LBO sponsorless sur Europe Snacks, cédé par CIC LBO à son management. "Le secteur agro-alimentaire est encore très fragmenté et compte-tenu de la force des marques, de la variété des savoir-faire et de la croissance organique modeste dans le secteur, les acquisitions sont une voie naturelle pour créer des la valeur. Les acquisitions de Cadbury par Kraft ou d'Orangina par Suntory ont des logiques plus offensives que défensives", rapporte Hubert de Lange, directeur au sein de Céréa Mezzanine.
Aucun gros LBO depuis Buffalo Grill
Rabobank, le banquier néerlandais spécialiste du secteur agro-alimentaire sur des financements supérieurs à 100 M€ confirme la tendance. « L’an passé, nous avons arrangé une dizaine d'opérations dans l'agro-alimentaire en Europe, dont celle sur Buffalo Grill en France, mais en 2009 aucune transaction de cette taille ne s’est conclue dans l’Hexagone. Les quelques exceptions européennes, où nous sommes récemment intervenus, incluent le LBO sur le hollandais Plukon ainsi que le LBO ter sur l’allemand Kalle réalisé par Silverfleet Capital et valorisé autour de 200 M€, où nous avons participé au club deal en compagnie de quatre autres banquiers », argumente Fabrice Vidal, responsable des financements LBO chez Rabobank International.
Des opérations plus longues à monter en cap dev
Le capital développement n’a conclu que six opérations depuis le 1er janvier. Des spécialistes, comme l’I dia et Unigrains se sont approprié les rares dossiers sur ce segment. Le premier, filiale du Crédit Agricole, a signé trois deals sur France Frais, Berneuil Participations et Val Nantais. Unigrains a lui aussi misé sur France Frais, coopérative normande de produits frais qui en a profité pour réaliser un build-up (lire ci-dessous), et a accompagné en fonds propres certains LBO comme pour Martine Spécialités. « Investisseur financier minoritaire et spécialiste de l’agroalimentaire, Unigrains peut investir jusqu’à 20 M€ par opération avec un ticket moyen de 4 M€ et intervient fréquemment à l’occasion de projets de croissance externe ou d’investissements industriels importants. Nous constatons un ralentissement du deal flow depuis le début de l’année et des opérations plus longues à monter. Dans cette période troublée, nous encourageons nos participations à étudier tous les projets structurants », commente Didier Bosc (photo ci-contre), directeur du développement d’Unigrains. Les acteurs proche en régions demeurent historiquement actifs sur ce secteur d'activité comme le CM CIC Capital Privé qui a notamment appuyé le pâtissier de luxe Pierre Hermé (lire ci-dessous).
Télécharger le tableau récap. de tous les deals agro-alimentaire au format PDF (source CFnews)
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