Après deux ans d'absence sur la place parisienne et touchées par un manque de financement, les biotech retrouvent le chemin de la Bourse avec plus ou moins de succès. Illustration avec les cotations successives de Neovacs, AB Science et Deinove.
Depuis l'IPO d' Ipsogen au printemps 2008 (lire article ci-dessous), aucune biotech n'avait tenté de s'introduire en Bourse. Difficile en effet pour des sociétés en phase de démarrage, ne générant du chiffre d'affaires qu'à très long terme, d'attirer les foules en période de crise. Mais après deux années moroses, la fenêtre boursière s'ouvre à nouveau pour le secteur des sciences de la vie, avec le succès de trois IPO en ce début d'année : AB Science, Neovacs et Deinove. Trois biotechs, toutes sponsorisées par des fonds - dont deux par Truffle Capital - qui signent ici une première étape vers la sortie. Une bonne nouvelle pour le secteur, d'autant plus que trois autres candidats devraient tenter l'aventure boursière d'ici la fin de l'année : Carmat, qui développe des coeurs artificiels et dont Truffle détient aussi des parts ; Novagali, spécialisée dans l'ophtalmologie et ayant déjà levé 44 M€ auprès d'une petite dizaine de VCs depuis 2000 ; et Integragen concepteur d'outils de décryptage du génome sponsorisé lui aussi par de nombreux fonds (voir leurs fiches ci-dessous).
Deux IPO sur trois redimensionnées
Avec trois premières IPO, la réapparition des biotech en Bourse semble s'engager même si certaines d'entre elles ont eu des difficultés à lever les capitaux escomptés, comme en témoigne l'expérience de Neovacs, qui a sauté le pas le premier. Financé depuis ses débuts par Truffle Capital, rejoint ensuite par Novartis Venture Fund et OTC AM, ce spécialiste dans le développement d’immunothérapies actives, qui visait à l'origine une levée de 20 M€ sur Alternext, a dû revoir son offre à la baisse à 11 M€ (lire article ci-dessous). Finalement la biotech a obtenu 10 M€, dont 2 M€ souscrits par des particuliers et 2,5 M€ apportés par ses VCs historiques. Même sort pour le spécialiste de l'immunologie, AB Science, contraint de redimensionner son IPO sur Euronext de 55 M€ à 25,7 M€ quelques semaines plus tard. Si le produit de l'augmentation de capital n'est presque pas impacté (16,5 M€ au lieu de 20,2 M€), les actions qui devaient être cédées par une trentaine d'actionnaires resteront entre leurs mains, faute d'acheteurs. « Il ne faut pas y voir un manque d'appétit des investisseurs, qui auraient sûrement pris de plus gros tickets s'ils disposaient des ressources suffisantes. Au contraire, sur un marché difficile la réussite de ces IPO, même retaillées, est plutôt un signe encourageant pour les biotech », commente André Choulika (photo ci-contre), président de France Biotech, qui avait tenté l'aventure boursière en 2007 en listant sa société d'ingénierie des génomes, Cellectis. Seul Deinove, le spécialiste des technologies vertes pour les biocarburants et la chimie, a confirmé mercredi une levée conforme à son objectif de départ (lire ci-dessous), à savoir 12 M€ sur Alternext, au prix de 8,33 € par action correspondant au milieu de la fourchette indicative. Parmi ses souscripteurs, le fabricant de sucre, amidons et alcools, Tereos Internacional, a apporté 1 M€ en vue d'un contrat de collaboration pour produire du bioéthanol.
Une chutede 56 % des investissements des VCs en 2009
« La réouverture du marché boursier devrait redonner confiance aux fonds de private equity qui avaient diminué leurs investissements, faute de relais boursier »,confie Philippe Pouletty, (photo ci-contre) general partner et fondateur de Truffle Capital en 2001, qui a conservé 40 % du capital de Neovacs et 75 % de Deinove. Avec une absence totale d'IPO pendant deux ans, les capitaux-risqueurs qui financent habituellement les premières années de R&D des biotech, très gourmandes en capitaux, ont largement réduit leurs contributions. Le développement d'un blockbuster coûte en effet en moyenne 750 M€ et la rentabilité n'est pas atteinte avant 12 à 15 ans. Si entre 2005 et 2007, l’industrie des sciences de la vie arrivait à mobiliser des tours de table importants, entre 2008 et 2009 les investissements des VCs ont chuté de 56 % pour atteindre 65 M€ en 2009, contre 151 M€ l'année précédente, selon une étude de France Biotech. « Le secteur intéresse toujours les fonds de capital risque puisque le nombre de deals est resté stable avec 17 opérations enregistrées en 2009 contre 18 en 2008. Mais les montants investis ont fortement chuté, notamment les financements des seconds et troisièmes tours, qui sont passés de 115 M€ en 2008 à 43 M€ en 2009, avec un ticket moyen en recul de 76 % », explique André Choulika. Dans ce contexte, certaines biotech et les VCs qui les accompagnaient ont trouvé l'an dernier un autre relais de croissance que la Bourse, en se tournant vers les grands groupes pharmaceutiques. C'est notamment le cas de Fovea repris par Sanofi-Aventis pour 370 M€ auprès de six VCs - Sofinnova, Abingworth, GIMV, Forbion, CAPE et Vesalius Biocapital -, ou encore celui de Novexel racheté par AstraZeneca pour 350 M€ auprès de ses huit investisseurs financiers (lire articles ci-dessous).
Six IPO pour 2010
Le succès des trois récentes IPO du secteur et la candidature de trois autres biotech à la cotation est donc de bon augure. « Carmat, Novagali et Integragen observeront avec attention le comportement boursier des titres qui viennent de s'introduire en bourse. Mais j'ai bon espoir que ces signaux soient positifs », note André Choulika, qui reste tout de même prudent, observant une tendance encore un peu floue sur les marchés boursiers. Par ailleurs, les biotech bénéficient depuis l'an dernier du soutien des pouvoirs publics avec la création du FSI, doté de 20 Md€ et dont le secteur pharma/biotech représente 10 % des dossiers traités et est le deuxième secteur ciblé en termes d'investissements. Avec 900 M€ investis à travers CDC Entreprises dans les biotech, via ses fonds Innobio et Bioam, le FSI a déjà soutenu les deux sociétés cotées, Nicox et Innate Pharma pour un total de 37 M€, ou encore le développeur de vaccins Genticel à hauteur de 3 M€ (lire ci-dessous). « Je reste très optimisme pour 2010 sur ce secteur qui présente des fondamentaux solides », conclut Philippe Pouletty .
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