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De la bonne approche du private equity africain


| 1277 mots

Le potentiel du continent africain n’est plus à démontrer, mais y investir nécessite de prendre des précautions, notamment d’ordre juridique et fiscale, comme a voulu le souligner Jones Day lors d'une réunion d'experts.

Qu’il doit être tentant pour les professionnels du private equity de vouloir étendre leur activité au continent africain. Ils y trouveront une classe moyenne de 300 millions de personnes en pleine croissance, des TRI de plus 20 %, l’anglais ou le français pour langues de travail, et des interlocuteurs professionnels (experts-comptables, consultants, avocats...) employés par les plus grands cabinets internationaux. Si l’environnement semble idéal de prime abord, il ne faut pas sous-estimer pour autant les spécificités du terrain africain, ainsi que l’ont détaillé les intervenants de la conférence récemment organisée chez Jones Day. Tout d'abord, le continent, qui compte 55 pays, n’a rien d’un territoire homogène, notamment en matière de développement économique. « Une caractéristique du private equity africain est d'ailleurs l’inégalité de sa présence : 56 % des fonds ciblent l’Afrique du Sud. Les autres se concentrent essentiellement sur le Maghreb et plusieurs pays anglophones comme le Ghana, le Nigéria et le Kenya », indique Dominique Nouvellet, président d’Euromed Capital Forum (photo ci-contre). « Il n’existe pas non plus un modèle de private equity - anglo-saxon, par exemple - qui peut s’appliquer partout. Il faut faire preuve d’un professionnalisme adapté à chaque pays, et cela passe par des contrats adaptés à la loi locale », ajoute Dominique Nouvellet.

Contraintes africaines

Quitte à évoquer trois grandes contraintes à investir en Afrique, le cadre juridique local fait d’ailleurs partie de celles retenues par Hervé Castelnau, associé de Jones Day. Un sujet concerne les limites qu’imposent certains pays à la participation des investisseurs étrangers au capital des sociétés, généralement à hauteur de 33 % ou 49 %. Comment alors contrôler son investissement si l’on est minoritaire ? « Cela pose la question du choix du partenaire, qu’il faut sélectionner non seulement pour ses compétences mais aussi pour ses appuis politiques - tout en gardant à l’esprit qu’une situation politique peut rapidement évoluer », souligne Hervé Castelnau (photo ci-contre). Autre astreinte : les restrictions imposées aux rapatriements des revenus. « Les états qui veulent s’assurer du réinvestissement des revenus dans leurs pays utilisent fréquemment le contrôle des changes pour s’en assurer. C’est un point à négocier avec les autorités locales avant d’investir, en vue d’obtenir une certaine souplesse en la matière », explique l’associé. Autre problématique d’importance : la fiscalité, qui, dans de nombreux pays, est soit trop lourde soit inexistante. « En ce domaine, la nationalité du véhicule d’investissement est un élément clef (lire encadré ci-dessous) », indique l'avocat, qui souligne aussi le manque de « prédicabilité » du cadre législatif réglementaire. Deuxième grande contrainte : la corruption. « Elle n’est pas une généralité et la tendance est même à une intolérance plus forte envers cette pratique. Mais il faut en tenir compte », prévient Hervé Castelnau. Troisième grande contrainte : le risque de contentieux. Ici, il s’agit surtout de choisir la juridiction qui sera retenue pour traiter un contentieux. Cela peut être une juridiction locale, mais il faut impérativement le déterminer à l’avance.

Ile Maurice : « Hong Kong africaine »
Pour les candidats au capital-investissement africains se pose la question de la domiciliation du véhicule d’investissement. D’après Daniel Schmidt, counsel chez Jones Day, le choix du pays doit tenir compte de quatre critères : « L’environnement des affaires, la stabilité politique, la fiscalité, et la sécurité des investissements - il est notamment essentiel pour les investisseurs de pouvoir rapatrier et librement utiliser sleur revenus. » En la matière, l’Ile Maurice, qui héberge plus de la moitié des véhicules de private equity africains, est de loin le pavillon qui rassure le plus LPs et GPs. « En fait, l’Ile Maurice est à l’Afrique ce qu’était Hong Kong à l’Asie », résume Daniel Schmidt. « En outre, elle constitue une bonne base pour également aller en Chine et en Inde - un atout pour les investisseurs qui souhaiteraient y réinvestir leurs revenus issus de leurs opérations africaines », ajoute l’avocat (photo ci-contre). Parmi les domiciliations privilégiées figurent aussi l’Afrique du Sud, l’Egypte et le Maroc ; mais d’autres pays émergent, à l’exemple du Ghana, du Nigéria et du Kenya.

Les GPs français à l'oeuvre

A en croire les 2 Md€ qu’ils ont levés pour l’Afrique en 2012, nombreux sont les fonds de private equity à vouloir confronter ces contraintes. Aux premiers rangs desquels se situent les asiatiques et les américains, à l’exemple de Carlyle, KKR ou BTG (voir notre enquête ci-dessous). Mais les français ne sont pas en reste. Entièrement dédié au continent noir, Amethis Finance, co-fondé par Luc Rigouzzo et Laurent Demey en partenariat La Compagnie Benjamin de Rothschild, a signé un premier closing à 140 M$ en décembre 2012. Wendel, pour sa part, a fait une priorité de l’Afrique sub-saharienne : sur les 2 Md€ que le holding envisage d’investir sur les quatre prochaines années, un tiers y sera consacré. « Notre stratégie est double : nous souhaitons à la fois y prendre des participations directes, et y développer l’activité de notre portefeuille existant », explique Stéphane Bacquaert, directeur associé responsable du développement en Afrique chez Wendel (photo ci-contre). Pour rappel, son équipe a déjà misé dans le fournisseur nigérian d’infrastructures télécoms IHS, et le groupe marocain multi-services Saham (lire ci-dessous). Autre structure dédiée, Investisseurs & Partenaires, qui a clôt son véhicule de small cap à 54 M€ l’année dernière (lire ci-dessous). Et d’autres fourbissent leur armes, à l’instar d’Askia Management Partners, co-fondé par François Scolan, un ancien d’Innovacom, qui ambitionne de lancer le premier fonds de capital-risque dédié aux TIC de l’Afrique francophone (lire ci-dessous).

Particularités du PE africain
Du fait de son dynamisme économique, le marché africain se prête surtout au capital-développement, qui représente le gros des opérations. L’activité du LBO est pour sa part freinée par la faible disponibilité de la dette et parfois par la réglementation. « Dans certains pays, il n’y pas d’intégration fiscale possible », indique Florence Moulin, associée de Jones Day (photo ci-contre). Si les perspectives de rendement sont très attrayantes (TRI moyen de 23,1 % sur la période 2002-2012), elles ne doivent pas faire oublier les risques. En 2012, 60 investissements ont ainsi été liquidés ou provisionnés à 100 %, à comparer des 484 opérations réalisées cette même année. Pour ce qui est du partage des profits entre les LPs et GPs, la règle du 80/20 prévaut comme ailleurs. « Sauf que le gérant se rémunère au succès dès le premier euro de profit réalisé, car il n’y pas de hurdle rate, ou alors très faible, 5 % », précise Florence Moulin. Enfin, les honoraires de transactions sont quasiment inconnus en Afrique, tandis que les commissions de gestion y sont plus élevées qu’en Europe, supérieures à 2 %.

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