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Les nouveaux enjeux de la déductibilité des charges financières


| 1071 mots

Jacques-Henri Hacquin et David de Saint-Hubert, NG Finance

Depuis décembre 2018 et le vote de la Loi de Finances pour 2019, le cadre légal entourant la déductibilité des charges financières a été modifié. De nouveaux enjeux apparaissent demandant une analyse financière et fiscale adaptée, et ce d’autant plus lors des structurations financières recourant à des instruments de dettes hybrides.

La Loi de Finances 2020, adoptée par l’Assemblée nationale le 19 décembre 2019, transpose notamment le dispositif anti-hybride de la directive Anti Tax Avoidance Directive 2 (ATAD) de l’Union européenne. Ce nouveau dispositif s’inscrit dans le projet plus global Base erosion and profit shifting (BEPS) mis en oeuvre par l’OCDE en 2012, visant à corriger les asymétries fiscales liées aux différentes réglementations au niveau international. En transposant la directive ATAD de l’Union européenne dès la Loi de Finances 2019, la réglementation a modifié la déductibilité des charges financières pour les sociétés. En ce sens, elle a notamment limité le test de sous-capitalisation à l’application d’un ratio de comparaison entre les fonds propres et les dettes liées. Ces dernières, correspondent à des emprunts entre deux sociétés qui entretiennent un lien de dépendance capitalistique comme défini dans l’article 39 du Code Général des Impôts (CGI). De plus, de nouveaux paramètres entrent aussi en jeu dans l’ensemble du calcul de la déductibilité des charges financières tels que l’EBITDA fiscal, la clause de sauvegarde, le périmètre comptable groupe, etc... Ainsi, la Loi de Finances 2019 a mis en avant deux scénarios majeurs possibles dans le test de sous-capitalisation. Dans le premier scénario, la société est suffisamment capitalisée et aura dorénavant la possibilité de déduire ses charges financières nettes (« CFN ») le montant maximum entre 3 M€ et 30 % de son EBITDA fiscal. Les CFN supérieures à ce montant seront à réintégrer, mais resteront reportables sur les exercices suivants.

Dans le second scénario, la société est sous-capitalisée et soumise à un mécanisme de déduction des CFN plus restrictif. En effet, ses CFN seront soumises à des ratios et des montants moins généreux que le premier scénario. Une partie des CFN ne pourra être ni déductible et ni reportable. D’autre part, des mécanismes supplémentaires tels que les clauses de sauvegarde et la capacité de déductibilité non utilisée, seront à prendre en compte pour affiner les CFN déductibles.

Mise en pratique du test de sous-capitalisation

Simulons un cas concret du test de sous-capitalisation pour deux sociétés A et B, afin d’appréhender les implications financières de ce nouveau cadre en fonction d’une structure financière différente. Pour la société A, la structure est très endettée, notamment avec une proportion très importante de dettes liées. Puis pour la société B, à niveau d’endettement égal, la structure d’endettement est majoritairement composée de dettes externes. Ces deux sociétés sont présentées dans les tableaux ci-dessous, présentant la structuration et les résultats en année 1.

La structuration de la société B, dont les dettes liées sont moins importantes, permet à la société de ne pas être sous-capitalisée au sens de la Loi de Finances et d’être assujettie à un mécanisme de déduction plus souple (le maximum entre 3 M€ et 30% d'EBITDA fiscal, graphique ci-contre).

Ainsi, la société B n’observe pas de CFN non déductibles non reportables, équivalents à de la perte sèche d’économies d’impôts, à l’inverse de la Société A (cf. 1M€). En effet, une mauvaise structuration de l’opération peut amener la société à être sous-capitalisée et à réaliser une économie d’impôt, liée aux charges financières déductibles, moindre.

De la même manière une structure financière initiale bien paramétrée avec le plan d’affaires de la société permet d’optimiser sur plusieurs années les montants des CFN soumis à déduction. En effet, les implications financières du test de sous-capitalisation peuvent être simulées à l’aide d’une modélisation. Pour illustration, le graphique ci-dessous montre la déductibilité des CFN de la société A sur six années.

Jusqu’à la cinquième année, nous observons que la Société A réalise des pertes sèches puisqu’elle était sous-capitalisée. Ce n’est qu’à partir de la sixième année que sa structure financière lui permet d’être éligible à un mécanisme moins restrictif. De même, la capacité de déductibilité des CFN s’est aussi améliorée notamment grâce à l’accroissement de l’EBITDA fiscal de la société. Toutefois, ces exemples font abstraction des particularités fiscales liées à chaque société. C’est pourquoi il est nécessaire, dans ces schémas d’ingénierie financière, d’obtenir l’expertise complémentaire d’avocats fiscalistes afin de prendre en compte les autres dispositifs fiscaux encadrant la déductibilité des CFN (exemples : Amendement Charasse, plafonnement du taux d’intérêt déductible, etc.).

Être accompagné par des experts financiers et fiscaux

Dans sa mise en pratique, la Loi de Finances 2019 génère une complexité auprès des entreprises qui rend primordiale l’intervention d’experts financiers et fiscaux. En effet, la détermination des paramètres financiers, tels que l’EBITDA fiscal, le niveau des fonds propres et les périmètres comptables, ont pris une place prépondérante dans le nouveau dispositif. Ces paramètres nécessitent une analyse approfondie d’experts lors de la structuration d’une opération, notamment lorsque la société ne possède pas de comptes consolidés. De même, la vie d’une entreprise est soumise à des évènements ponctuels, avec par exemple l’acquisition d’une nouvelle société ou la souscription à des emprunts, qui rendent indispensable le suivi dynamique de leurs effets sur la déductibilité des CFN pour la société.

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