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Prix de transfert : les nouvelles exigences de documentation


| 1226 mots

Il y a près d'un an, les premiers textes visant faire peser de nouvelles obligations documentaires fiscales sur les entreprises apparaissaient dans le projet de loi de finances rectificative 2009. Intégrées depuis le 1er janvier 2010 dans l'arsenal législatif, ces dispositions qui entendent encadrer plus strictement les opérations réalisées avec des entreprises associées étrangères sont considérées comme une nouvelle charge administrative par les directeurs financiers. Se conformer à ces nouvelles dispositions n'est cependant pas une option ouverte aux contribuables; il s'agit d'une obligation, dont le non-respect peut être financièrement pénalisant.

Plus qu'une contrainte, cette nouvelle exigence de documentation devrait être vue comme une opportunité pour les décideurs de remettre à plat les relations intra-groupe. L'expérience montre, en effet, que la préparation et la rédaction de cette documentation permet de revisiter les contraintes opérationnelles (harmonisation des marges et des procédures), juridiques (mise à jour ou mise en place de contrats intra-groupe, aspects de propriété intellectuelle) et fiscales (refacturation de frais, etc.) au sein d'un groupe.

L'objectif de cette contribution est de brièvement rappeler le nouveau cadre français applicable en matière de documentation des prix de transfert. Ces nouvelles règles ne peuvent se comprendre que dans le contexte européen, raison pour laquelle nous brossons également, dans un second temps, les mesures prises au niveau de l'union européenne dans les pays voisins.

I. L'obligation documentaire française

Depuis le 1er janvier 2010, certains contribuables ont l'obligation de préparer une documentation fiscale générale en matière de prix de transfert. Le régime est prévu aux articles L.13AA et suivants du Livre des Procédures Fiscales.

A. Qui est soumis?

L'obligation documentaire concerne typiquement les "grandes entreprises" ou les filiales de groupes dans lesquels participent de grandes entreprises.

Il s'agit des personnes morales établies en France:

a) ayant 400 millions d'euros au moins de chiffre d'affaires annuel hors taxes ou d'actif brut; ou
b) détenant directement ou indirectement plus de la moitié du capital ou des droits de vote d'une entité juridique française ou étrangère remplissant la condition sous (a); ou
c) dont l'actionnaire majoritaire (direct ou indirect) est une entité visée au (a); ou
d) qui sont bénéficiaires d'un agrément prévu à l'article 209quinquies du Code Général des Impôts(CGI); ou
e) qui appartiennent à un groupe fiscal dont au moins une des entités satisfait une des conditions reprises au (a), (b), (c) ou (d).

Les critères repris sous les points (a) à (c) s'apprécient à la clôture de l'exercice.

B. Quelle est la portée de l'obligation documentaire?

Le contribuable soumis à l'obligation documentaire doit tenir à la disposition de l'administration une documentation permettant de justifier la politique de prix de transfert pratiquée dans le cadre des transactions de toute nature (biens, services, etc.) réalisées avec des entreprises liées établies ou constituées hors de France.

Le lien de dépendance s'apprécie in concreto. Il est avéré, entre deux entreprises, lorsque l'une détient directement ou par personne interposée la majorité du capital social de l'autre ou y exerce, en fait, le pouvoir de décision. Il est également présent lorsque deux entreprises sont placées l'une et l'autre sous le contrôle d'une même entreprise tierce.

La documentation à fournir à l'administration comprend une description détaillée du groupe (structure juridique, organisationnelle et fonctionnelle, actifs incorporels) et de chaque entreprise française soumise à l'obligation (flux spécifiques, description de la méthode des prix de transfert appliquée pour justifier les prix pratiqués, etc.).

Des obligations plus lourdes ont été introduites pour les opérations avec des "territoires non coopératifs". La documentation doit, dans ce cas, inclure un bilan et un compte de résultat de chaque entreprise bénéficiaire des transferts, établis dans les formes prévues par le CGI.

C. Dans quel délai?

La documentation générale, qui ne se substitue pas aux justificatifs afférents à chaque transaction spécifique, devra être fournie à première demande, lors du contrôle fiscal, avec une possibilité d'octroi d'un délai de 30 jours.

A défaut pour le contribuable de produire une documentation dans ce délai, ou lorsque la documentation produite n'est que partielle, une pénalité jusqu'à 5% du montant des bénéfices transférés et calculée pour chaque exercice vérifié, pourra être appliquée.

II. La généralisation des obligations documentaires

A. La France suit l'impulsion de l'Union européenne

Au niveau de l'OCDE, des recommandations sans véritable valeur juridique existaient et permettaient aux contribuables d'appréhender ce que devait comprendre une documentation en matière de prix de transfert. Les entreprises étaient cependant confrontées à des exigences différentes selon les pays.

Pour tenter de répondre à ces distorsions, l'Union européenne a élaboré, en 2006, un code de conduite pour harmoniser la documentation que les entreprises doivent fournir aux autorités fiscales en matière de prix de transfert.

Ce code de conduite a été adopté par la majorité des pays européens, dont l'ensemble des pays voisins de la France (Belgique, Allemagne, Italie, Portugal, Espagne) et sera adopté par la plupart d’entre eux sous l’insistance de la Commission européenne.

Les nouvelles exigences françaises, à l’exception des règles particulières pour les territoires non coopératifs, sont généralement en ligne avec le code de conduite européen.

B. Le non-respect coûte cher

A l'instar des dispositions françaises, les autres pays européens sanctionnent assez lourdement l'absence de documentation.

L'Allemagne, par exemple, prévoit une amende dans une fourchette entre 5 et 10% des bénéfices transférés. Les pays nordiques sont encore plus stricts avec des pénalités pouvant atteindre 30% (Finlande) ou 40% (Suède) de l'ajustement. L'Italie prévoit également des poursuites pénales contre les dirigeants à défaut de documentation générale.

Ne pas y prêter attention représente donc une coûteuse distraction !

Conclusion

La France, comme les pays voisins s'est dotée d'un nouvel arsenal de règles qui, dans une certaine mesure, a pour conséquence de déplacer la charge de la preuve sur les contribuables.

Si le centre de décision de votre groupe est en France, ces nouvelles règles peuvent être l'occasion de mettre à plat la politique prix de transfert et de s'interroger, par exemple, sur les raisons objectives qui justifient d'appliquer des règles différentes selon que l'on se situe dans un cadre français ou transfrontalier. Comme entité périphérique d'un groupe majoritairement implanté hors de France, ce nouveau corpus de règles vous donne une opportunité de sensibiliser votre société-mère au nouveau cadre français et à l'encourager à prendre les mesures nécessaires pour s'y conformer.

Compte tenu des pénalités importantes associées à son non-respect, ce nouvel arsenal impose à tous les dirigeants de groupes internationaux de considérer sérieusement le sujet de la documentation des prix de transfert.

Benjamin Homo (Paris) et Astrid Pieron (Brussels), Partners, MAYER BROWN LLP

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