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2024 fait guère mieux que l'année noire 2023 sur le marché des IPO. L'an dernier, sept entreprises se sont introduites sur Euronext en France, pour une capitalisation totale de 2,242 Md€. Dans la tech, qui concentre la grande majorité des entrées, ce faible nombre d'opérations incite le comité French Tech Finance Partners (FTFP), composé de 17 investisseurs, directeurs financiers et intermédiaires, à proposer dix mesures au début de ce mois afin de relancer la pratique cette année. En attendant de vérifier si ces préconisations seront suivies et leur potentiel impact, les experts du secteur voient en 2024 des premiers indicateurs de reprise. « Le marché des IPO est cyclique mais depuis l’an dernier, il est doucement mais sûrement en train de se rouvrir, veut croire Christophe Alleman, co-responsable equity capital markets (ECM) chez Bryan, Garnier & Co aux côtés de Pierre Kiecolt-Wahl. Dans chaque pays d’Europe, on a pu assister à une ou deux très belles opérations, telles Planisware et Exosens en France. De même, le début d’année a été marqué par les réussites des introductions de Ferrari Group à Amsterdam ou HBX en Espagne. Aucune opération en France mais ce retard n'est qu'une question de timing. Les bonnes performances post IPO de ces sociétés sont également très favorables au marché ; elles incitent par ailleurs d'autres sociétés plus petites à venir tenter l’aventure boursière. »
Des valorisations en hausse post IPO
Ainsi, la capitalisation des sociétés entrées en bourse a grimpé depuis leurs introductions. À date, l'action de Planisware s'échange autour de 27,5 €, contre 16 € en avril, et celle d'Exosens est proche des 31 €, soit près de 11 € de plus qu'en juin. La bonne tenue des entreprises se confirme sur le segment du small et mid cap, où cinq arrivées sur Euronext ont marqué 2024 : LightOn, Odyssée Technologies, macompta.fr, Imeon Energy et Bio-Inox. Yannick Petit, P-dg d'Allegra Finance, confirme cette tendance : « le côté positif de l'exercice est que les valeurs des quelques entreprises entrées en bourse ont grimpé, alors que jusqu'à présent les gains d'une introduction étaient négatifs. Ainsi, la capitalisation de LightOn a plus que doublé (50 M€ en octobre, 135 M€ à date, ndlr), tandis que celle d'Odyssée a pris plus de 20 % (28,6 % ; passant de 21 M€ en novembre à 27 M€, ndlr). Cela peut s'expliquer par des valorisations à l'entrée redevenues raisonnables et des sociétés qui rentables, ou en passe de l'être. Il y a peu d'IPO car il y a peu d'investisseurs. Les institutionnels se détournaient du segment small et mid cap car les entrées étaient négatives depuis quatre ans. Mais ces résultats pourraient progressivement les inciter à revenir. »
Une véritable reprise en 2026/2027 ?
Ces indicateurs n'annoncent pas forcément un retour en force des IPO cette année. La plupart des candidats potentiels en small et mid cap, échaudés par les résultats des entreprises de ce segment entrées les années précédentes, attendraient l'arrivée en bourse de certaines sociétés “locomotives“. Ces dernières, qui se retrouvent principalement dans la tech et le Next40 – comme Alan, Doctolib, EcoVadis, Qonto, Vestiaire Collective ou encore Chapsvision, ayant tous annoncés un projet d'IPO –, ont également leurs raisons de retarder leur introduction. « Une trentaine de sociétés, dont des licornes, sont prometteuses et déjà financées, avance David Serrero, directeur d’investissement de CDC Tech Premium. Elles ont l'intention de se coter en France à terme, mais les plus belles opérations seront plutôt en 2026/2027. La plupart de ces entreprises ont fait de gros tours il y a quelques années et il leur reste des fonds. Les valorisations à l'époque étaient très élevées et les actionnaires espèrent atteindre au moins le même niveau lors de l'IPO. Enfin, certaines sociétés ont encore des étapes importantes dans leur equity story à valider pour ne pas faire douter le marché, comme l’atteinte de la rentabilité, la pénétration sur le marché américain, un second marché clé en Europe, ou l'intégration d'outils d'intelligence artificielle. »
La tech a la cote
Les succès de Planisware, d'Exosens et, à moindre échelle, de LightOn montrent que les investisseurs ne manquent pas d'appétit dès maintenant pour la tech. Ce profil d'entreprise devrait continuer à attirer dans les années à venir, aussi bien les institutionnels que les particuliers. Et ce, même si les deux plus grosses sociétés entrées en bourse l'an dernier ont bénéficié de la nouvelle réglementation - décidée par l'Autorité des marchés financiers (AMF) en mars - permettant un roadshow plus court et n'obligeant plus une entreprise à solliciter des particuliers. C'est ce premier point qui a incité Planisware et Exosens – ayant tous les deux reporté leur introduction – à avoir recours à ce mécanisme jusque-là inédit, leur permettant ainsi d'être moins sensibles à des évènements exogènes (élections, contexte géopolitique, etc...). « Les principaux candidats à l'IPO sont des sociétés présentant de belles perspectives de croissance. Elles sont donc nombreuses dans la tech européenne actuellement car l'innovation nourrit cette croissance. Si ces entreprises technologiques sont majoritaires à faire des IPO, c'est aussi par la demande des investisseurs boursiers qui y voient la possibilité de diversifier leurs portefeuilles et de miser sur des secteurs dans lesquels ils ne sont pas ou peu exposés. Par exemple, il y a actuellement très peu de sociétés d'intelligence artificielle (IA) cotées. Elles devraient donc générer beaucoup d'intérêt de la part des investisseurs lors de leur entrée », ajoute Christophe Alleman. Cependant, comme dans le private equity, la rentabilité est désormais un critère clé pour réussir à trouver des investisseurs. Si elle n'est pas forcément demandée, elle doit être prévue à court terme pour les grosses, mais d'autant plus pour les plus petites sociétés.