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IPO : un marché à deux vitesses


| 4162 mots

Malgré un contexte incertain et des annulations, 22 IPO ont vu le jour depuis le début de l'année, drainant 141,5 M€, surtout portées par Alternext et confirmant l'intérêt du public pour les PME de l'Internet et des medtech. Retrouvez le tableau des opérations compilées par CFnews.

Alors que les experts prévoyaient un retour des introductions en bourse début 2011, le nombre de reports et d'annulations n'a jamais été aussi élevé en Europe depuis 2008. Selon Dealogic, 38 IPO ont été avortées depuis le début de l'année sur la zone EMEA. Sur fond de crise grecque et de craintes de contagion aux autres économies mondiales, les échecs successifs des opérations de Canal +, Verallia et Inside Secure sur la place parisienne ont refermé la fenêtre de tir qui s'était pourtant entrouverte au printemps sur le marché. Pour autant, les 22 introductions en bourse de sociétés françaises depuis le début de l'année sur la place parisienne, qui ont levé 141,5 M€, restent supérieures aux 18 IPO sur la même période l'an passé (téléchargez le Tableau des IPO depuis le 1er janvier 2011 compilé par CFnews dans ses bases de données). « Nous sommes face à une situation paradoxale. Le marché semble divisé en deux clans : d'un côté les PME et ETI affluent sur Alternext, tandis que les grosses entreprises peinent à rejoindre la bourse », analyse Julia Bridger, responsable du services aux émetteurs chez Euroland Finance. En effet, depuis le 1er janvier les small & mid caps ont réussi à mobiliser les investisseurs avec la cotation de 12 PME-ETI sur Alternext (Tekka, Jemini, Biosynex, Solabios, Moulinvest, Concoursmania, Median Technologies, Global Bioernegies, Phenix Systems, Visiomed, Ucar, Tuto4pc.com) et de 7 sociétés sur le marché libre (Phenixcom, Scemi, A2micile aujourd'hui transféré sur Alternext, Mobile Network Group, Silc, Eurinnov et AKD). Pour sa part, Euronext n’a enregistré que trois opérations depuis le 1er janvier : Areva, Axway Software (spin-off de Sopra) et enfin Mauna Kea (56,5 M€).

Alternext reste dynamique à certaines conditions

L'equity story et le syndicat bancaire sont primordiaux

Les opérations d'envergure présentées au marché cette année ont concerné principalement des cessions de titres de filiales ou de participations ou encore des spin-offs, et non des augmentations de capital. Or, dans un climat tourmenté, les investisseurs se montrent plus réticents sur les cessions, comme ce fut le cas pour Lucien Barrière (Accor) l'an dernier ou Canal + (Lagardère) et Verallia (Saint-Gobain) cette année. « N'ayant pas d'impératifs de cession, les maisons-mères ont préféré renoncer à la bourse, et de patienter ou de rechercher des solutions alternatives, plutôt que de baisser le prix d'introduction. Ces annulations et/ou des reports d'opérations sont autant de signaux négatifs pour les marchés, interprète Christian Finan (photo), directeur ECM chez Bryan Garnier, qui a accompagné les IPO de LeadMedia, Tekka et ConcoursMania. Sur les petites sociétés au contraire il y a plus de flexibilité au niveau des valorisations. Pour les investisseurs de marché, la bourse reste un moyen de soutenir les beaux projets, ils se montrent toutefois plus frileux lorsqu'il s'agit de cessions de titres de la part de grands groupes ou des fonds de private equity ». Illustrant toujours cette tendance, sur l'IPO de Phénix Systems seule la partie augmentation de capital a pu avoir lieu, la partie cession de titres ayant été annulée, faute de demande suffisante. Quant au report de l’IPO d ’Inside Secure, une société de croissance spécialisée dans les systèmes électroniques de sécurité sans contact, présentant pourtant tous les critères exigés par les investisseurs, les raisons sont toutes autres. « L’émetteur avait fait le choix d’un syndicat bancaire prestigieux, avec notamment en joint-lead une grande banque américaine. Or, sur un marché difficile, il faut avoir un chef d’orchestre capable de mener à bien l’opération même si l'une des banques du syndicat est moins présente, poursuit Christian Finan. L'avantage d'avoir un banquier spécialiste du secteur et des valeurs de croissance permet de bien positionner l' equity story du candidat à l'IPO et d'ajuster la base d'investisseurs pour correspondre aux contraintes du marché au moment de l'introduction en bourse. »

La valorisation doit rester juste

Si la qualité de la société et de son syndicat bancaire sont primordiaux, la question de la valorisation joue aussi un rôle déterminant dans la réussite d'une opération primaire. « Bien souvent poussées par leurs VCs historiques à présenter des business plans trop optimistes, beaucoup de sociétés ont déçu les marchés après leur entrée en Bourse, contribuant à en refermer les portes », déplore Christian Finan. Et sa consoeur, Véronique Laurent-Lasson (photo du haut), executive director chez Aelios M&A international, d'expliquer : « Le problème des PME de croissance, par rapport à des sociétés de taille plus importante, c’est qu’en année N elles paraissent chères, en N+1 leur valorisation revient à un niveau normal, puis en N+2 l’action devient bon marché. On ne peut pas sortir de ce phénomène car les comparables boursiers utilisés sont souvent des géants et ont des taux de croissance beaucoup plus limités. L’intermédiaire a donc un véritable rôle de mise en perspective de ce phénomène et doit donc trouver la fourchette de prix juste, en fonction du business plan de la société et de l'appétit des investisseurs. Le time to market est

Marc Lefevre, EY

Marc Lefevre, EY

également décisif. » Pour Marc Lefèvre (photo ci-contre), directeur développement commercial et relations émetteurs listing Europe chez NYSE Euronext, les valorisations sont revenues à des niveaux raisonnables. « Les investisseurs attendent en moyenne une décote d’environ 20 % et le PER moyen des sociétés qui s'introduisent en Bourse se situe autour de 12 ». Et sur les small & mid caps, pourtant réputées pour être mieux pricées, « la valorisation ne dépasse pas les 8 fois le REX. Il y a une vraie décote à l’illiquidité », estime Marc-Antoine Guillen, associé gérant de la société de bourse Invest Securities, qui a conseillé l'IPO de Jemini, valorisé 36 M€ (soit environ 5 fois le REX 2011). L'afflux d'opérations simultanées sur Alternext invite les sociétés à ne pas trop flamber sur les prix », complète Yannick Petit, P-dg d'Allegra Finance, qui a accompagné les opérations de Mauna Kea, Moulinvest, Ucar et Tuto4pc.com. Mais les prix, même s'ils ont beaucoup baissé par rapport aux années fastes, restent corrects, et les investisseurs savent valoriser les pépites en haut de la fourchette lorsqu'elles leur paraissent attractives, à l'instar de Mauna Kea (vendu 13 € pour une fourchette initiale comprise entre 10,65 et 13 €), Visiomed (sursouscrite 1,7 fois à 8 € pour un prix proposé entre 6,90 € et 8 €), Global Bioenergies (à 19,85 € pour une fourchette entre 16,25 € et 19,85 €, ou encore ConcoursMania (10 € sur la abse d'une fourchette de 8,50 et 10 €).

Les secteurs de croissance attirent la majorité des capitaux

Les medtech ont la cote

Toujours en tête des secteurs de prédilection des investisseurs, la « santé » et notamment le segment des technologies médicales (medtech), a particulièrement bien tiré son épingle du jeu. Ainsi Mauna Kea a rafflé l'un des plus gros tours de table avec 56,5 M€ (après exercice de l'option de surallocation) depuis l’IPO de Medica début 2010 qui avait levé, non sans mal, 275 M€ sur Euronext (lire ci-dessous). Mais trois autres medetch ont aussi su séduire les investisseurs sur Alternext : Median Technologies, l'éditeur de logiciels d'analyse d'imagerie médicale a récolté 10 M€ ; Tekka, le fabricant de dispositifs d'orthodontie et d'implants dentaires a levé 11 M€ (même s'il a dû revoir son prix à la baisse) ; et Visiomed, spécialiste de l’électronique médicale s'est vu apporter 5 M€. La biotech Biosynex a quant à elle obtenu 3 M€. « Le retour des introductions gagnantes de small & mid caps depuis mi-2010 a créé une véritable émulation au moment où les valeurs du CAC 40 stagnaient, estime Yannick Petit (photo), qui rappelle l'engouement tout récent pour Mauna Kea, dont l’IPO a été sursouscrite 9,8 fois par les particuliers et 4,5 fois par les institutionnels. Le parcours boursier de medtech comme Carmat, dont le cours s'est envolé de près de 700 % depuis son entrée en bourse en juillet 2010, ou de Stentys en hausse d'environ 60 % depuis octobre, ont aiguisé l'appétit des investisseurs pour ce secteur », poursuit-il. Bien que le flottant limité ait tendance à exagérer les variations de ces valeurs en bourse, les valeurs de la santé, déconnectées des fluctuations macro-économiques, présentent une forte résilience. Mais ces sociétés ont aussi un intérêt spéculatif puisqu'elles peuvent susciter à terme l'intérêt des grands industriels de la santé.

Internet tient ses promesses mais gare à la bulle

L’autre secteur très attendu des investisseurs, c'était
Internet comme évoqué, de façon prémonitoire, lors de la table ronde organisée le 25 janvier dernier par
CFnews chez NYSE Euronext (lire : 2011 : le retour des IPO dans le secteur Internet ?). «
Internet et le digital contribuent désormais à hauteur de
40 % de
la croissance économique
américaine et 25 % de
la croissance économique
française. Auparavant considéré comme un petit écosystème, Internet représente désormais aux yeux des institutionnels un vrai relais de croissance et ces derniers parient largement sur les pépites du secteur », souligne
Virginie Lazès (photo), directrice en charge du corporate finance
chez Bryan Garnier. De fait, outre-Atlantique les valeurs Internet réussissent à lever des sommes considérables et se paient au prix fort, très fort. Cela a commencé avec l’IPO de
Renren, le Facebook chinois, qui a levé en avril
743 M$ sur le New York Stock Exchange où il a été
valorisé près de 4 Md$, c’est-à-dire 13 fois ses ventes estimées pour 2011. Ont suivi ensuite le réseau social professionnel
Linkedin qui a récolté
353 M$ pour une
valeur d'entreprise de
7,1 Md$ représentant un multiple de 14 fois le chiffre d’affaires ; puis le spécialiste de la musique on-line
Pandora, lequel a réuni
235 M$ où il a été valorisé
2,6 Md$ soit 15 fois ses ventes et 1055 fois son Ebitda 2011. Il faut dire que depuis janvier 2009, les valeurs Internet surperforment largement les indices de référence. Selon les chiffres de Bryan Garnier, les valeurs européennes du secteur Internet affichent une progression de
164 % contre 33 % pour le MSCI Europe, et les valeurs US se sont envolées de
206 % versus 43 % pour le S&P 500. « Il y a une vraie bulle Internet sur les IPO récentes aux Etats-Unis », estime d'ailleurs Virginie Lazès. Pour l’heure le marché parisien reste loin de telles valorisations, le spectre de la crise planant toujours dans l’esprit des investisseurs. Même les belles valeurs comme
ConcoursMania et LeadMedia dans le marketing en ligne se sont payées
en moyenne 10 fois l’Ebit 2011.


Le retour des offres au public

Concernant les souscripteurs, la tendance est au retour des particuliers. « En 2010, les opérations concernaient principalement des placements privés, réservés aux investisseurs qualifiés. Mais depuis le début de l’année les offres au public commencent à refaire surface, ce qui est bon signe », remarque Julia Bridger (photo) chez Euroland Finance, lequel a notamment accompagné les IPO de Biosynex, AKD, Eurinnov et Mobile Network Group. On observe une adhésion totale des particuliers sur les opérations primaires : ceux-ci injectent en moyenne entre 3 et 4 M€ sur des IPO d'une dizaine de millions d'euros. » En effet, depuis le 1er janvier seules trois IPO se sont déroulées sous forme de placement privé : Jemini, Moulinvest et Median Technologies. Toutes les autres ont ouvert leur capital au public. « La part du retail représente en moyenne aujourd'hui entre 20 et 30 % du montant d'une opération sur Alternext. Les particuliers jouent un rôle important car ils permettent de créer de la liquidité et confortent certains institutionnels à investir dans les PME », estime Virginie Lazès. Si cet engouement du public, qui investit le plus souvent par le biais de la loi Tepa, pallie en partie à la frilosité de certains institutionnels difficiles à convaincre sur les small & mid caps, il pourrait être stoppé net en raison de la réforme de l'ISF. Pour y remédier, Invest Securities préconise notamment de compenser la perte de l'avantage fiscal en piochant dans les PEA et l'assurance-vie (lire notre article : PME en bourse : 10 mesures pour redrainer les capitaux - 28 juin 2011).

La concurrence du private equity et des opérations secondaires fait rage

Le private equity fait son marché en bourse

Face à des valorisations étiolées sur la plupart des secteurs, le private equity, s'intéresse de plus en plus aux sociétés cotées. « Offrant des primes supérieures à celles proposées en bourse et disposant d'abondantes liquidités - tandis que les OPCVM small & mid caps ont souffert fin 2008 avant de réinvestir leur "recollecte" dès le printemps 2009 -, les fonds viennent aujourd’hui concurrencer le marché », rappellent Charles-Henri Berbain, responsable des activités de marché (photos de gauche) et Emmanuel Storione (photo de droite), directeur associé pour les activités Corporate Finance chez Arkeon Finance, société de bourse spécialisée sur les valeurs moyennes, ayant conduit les IPO d'A2micile et de Silc ou de l’augmentation de capital d’Archos. « Le private equity a offert, ces derniers mois, des solutions financières à des actionnaires désireux de lever des fonds ou de céder leurs participations. En conséquence, et au regard de la volatilité des marchés financiers ces trois dernières années, les introductions en bourse n'ont pas été les solutions privilégiées », ajoute Laurent Bensaid associé du cabinet Hoche Société d'Avocats et conseil sur le P to P Delachaux, l'OPA sur Metrologic ou encore l'IPO de Tekka. N’offrant quasiment pas de prime par rapport à leur valeur intrinsèque, les PME cotées attirent ainsi de plus en plus les fonds de private equity souhaitant profiter de ces "bonnes affaires", sortant ou non les sociétés de la cote. Ainsi Metrologic a attiré l'attention de Carlyle qui s'est offert 61,8 % du capital sur la base de valorisation de 152 M€, n’offrant quasiment aucune prime aux actionnaires existants, et Delachaux s'est vu repris à plus de 63 % par CVC Capital Partners aux côtés de certains actionnaires familiaux pour 83 € par action, représentant une prime de 4 % par rapport au cours la veille de l’annonce de l’opération. Plus récemment, les actionnaires d' Outremer Télécom se sont vus offrir une prime de 17 % sur le dernier cours de bourse, lors du rachat de la société par Axa Private Equity pour 132,9 M€, succédant à Apax Partners.

Recours croissant au dual track pour faire monter les enchères

Laurent Bensaid, King & Spalding

Laurent Bensaid, King & Spalding

Si les fonds convoitent les sociétés déjà cotées, ils font également jouer la concurrence entre leurs confrères du private equity et la bourse au moment de la cession de sociétés de leur portefeuilles. « Même si ces processus ont été moins utilisés que par le passé, les fonds de private equity ont continué à réfléchir à des projets d'introduction en bourse en parallèle de processus de vente classiques afin de maximiser leur valeur de sortie », estime Laurent Bensaid (photo ci-contre). Pour certains fonds et corporates, c'est surtout un bon moyen de faire savoir que l'on est vendeur et de faire ainsi grimper les enchères. C'est comme cela que ça a été perçu pour Lagardère, qui, en lançant le processus d'introduction de Canal+, ne cherchait en réalité qu'à créer un effet d'annonce pour faire monter le prix. Mais d'autres acteurs, discrètement, ont eu un temps recours à cette méthode, à commencer par le plus gros LBO de l'année : Spie . Mis en vente par PAI Partners, le quatrième groupe européen d'ingénierie électrique, qui avait un temps envisagé de se coter à Paris, a finalement été préempté par le consortium Axa Private Equity, Clayton, Dubilier & Rice et CDPQ, valorisant la cible 2,1 Md€. Parmi les autres sociétés à avoir finalement suivi le chemin du LBO secondaire après avoir examiné les deux solutions, on retrouve également le grossiste en montres, bijoux, lunettes et maroquinerie TWC L'Amy, repris par le fonds d'investissement de LVMH, L Capital, signant la sortie d'Edrip. Mais aussi les doudounes Moncler rachetées à hauteur de 45 % par Eurazeo pour 418 M€, soit une valorisation de 12,9 fois ses résultats attendus 2011, alors que la société devait finaliser avant la fin du mois une IPO sur la Bourse de Milan. Le projet de cotation du fabricant français de décodeurs Sagemcom, étudié depuis l'automne dernier, a lui aussi été abandonné. Son actionnaire majoritaire, le fonds américain The Gores Group est entré en négociations exclusives avec Carlyle le 21 juin dernier, lequel devrait reprendre 70 % du capital, valorisant la société autour de 500 M€. Enfin Assurland, qui avait un temps pensé à une IPO, devrait finalement être repris par le trio Golden Lake Capital, Silver Lake and TA Associates. Aussi, seul Jemini, le spécialiste des jouets et accessoires pour enfants sous licence, a finalement choisi la Bourse. « Beaucoup de fonds étaient prêts à entrer dans le dossier, mais y ont finalement renoncé car un fonds de private equity, le britannique Neo Capital, détenait déjà la majorité du capital », explique Marc-Antoine Guillen chez Invest Securities, listing sponsor de la société sur l'opération.

Le marché secondaire a accaparé beaucoup de capitaux

Si le non-coté a "vampirisé" certaines IPO, la bourse elle-même a accaparé des capitaux par le biais du marché secondaire. « Certaines sociétés déjà cotées ont lancé depuis le début de l'année des augmentations de capital d'envergure, drainant des montant importants. Voyant leurs portefeuilles largement investis et ayant une forte aversion au risque, les gérants ont arbitré en soutenant les valeurs déjà connues, réduisant ainsi leur appétit pour le nouveau papier », soulignent Charles-Henri Berbain et Emmanuel Storione chez Arkeon. Ainsi Soitec, le leader mondial coté de matériaux semi-conducteurs high tech, a fait appel au marché qui lui garantit déjà 150 M€, notamment grâce au soutien du FSI. Les acteurs du secteur immobilier ont drainé quant à eux aussi pas mal de capitaux : Argan (35 M€), Terreis (96,3 M€), et Foncière Frey (10,1 M€). Archos a récolté 30,4 M€, AgroGeneration s'est doté de 11,5 M€ supplémentaires et Vergnet a renforcé ses fonds propres de 18 M€ avec l'arrivée du FSI et du groupe Nass&Wind. Enfin, dans les opérations à venir le fabricant de coeurs artificiels Carmat, l'IPO ayant remporté l'un des plus grands succès l'an dernier, a lancé une augmentation de capital déjà assurée de 25,5 M€, et Bioalliance Pharma devrait boucler mardi prochain un tour de 16 M€ .

Conséquence : la Bourse de Paris a perdu de son lustre

Les sociétés se tournent de plus en plus vers les bourses asiatiques

Face à ces difficultés pour rejoindre la Bourse de Paris et y lever des fonds, certaines sociétés se tournent vers des marchés plus exotiques et plus dynamiques. Au second trimestre, 67 % du montant global des IPO a été alloué aux Bourses des pays émergents, 21 % aux USA et le solde en Europe, selon les derniers chiffres publiés par Ernst & Young. « Depuis le début de l'année la France ne se positionne qu'au 46ème rang mondial en terme de levées de fonds en Bourse », s'indigne Marc-Antoine Guillen (photo) chez Invest Securities. De ce fait, certaines sociétés européennes préfèrent désormais aller chercher des fonds sur des places étrangères, notamment en Chine, offrant une abondance de capitaux et des valorisations plus attractives. Le premier français à s'être lancé dans l'aventure c'est le spécialiste des cosmétiques et des parfums L'Occitane, entré à la Bourse de Hong Kong en mai 2010 sur la base d'un multiple de 22,5 fois les bénéfices. La société avait reçu une demande 160 fois supérieure à l'offre. Cette année un autre acteur européen, l'italien Prada, a préféré une bourse asiatique à celle Milan, estimant que les investisseurs seront plus enthousiastes là-bas qu’en Europe. Mais la bourse de Hong Kong n'a pas épargné le groupe de luxe, qui, valorisé 13 Md$, soit un PER 2011 de 29, a levé 2,14 milliards de dollars, environ 300 millions de moins que prévu. Un prix jugé trop élevé -alors que LVMH, le numéro un mondial du luxe, affiche des multiples de 3 à 4 points inférieurs-, rappelant que les investisseurs, même en Asie, restent prudents. D'autres acteurs réfléchissent également aux bourse asiatiques notamment Jacques de Chateauvieux, le président et principal actionnaire du groupe de services maritimes Bourbon, qui prévoit d'introduire sa holding personnelle Jaccar (qui détient environ 25 % de Bourbon) à Hong Kong d'ici mi-2012. Sun Art Retail Group, la JV exploitant 197 hypermarchés en Chine, détenue à parité entre la famille Mulliez (propriétaire d'Auchan) et le taïwanais Ruentex, vient pour sa part d'annoncer l'ouverture d'une procédure d'introduction à la Bourse de Hong Kong d'une partie de son capital et pourrait lever jusqu'à 1 Md$.

L'évolution et les mesures prises pour redynamiser les marchés

Face à ces évolutions et dans un environnement toujours très incertain -le CAC 40 a perdu 6,24 % sur les trois derniers mois et atteint son niveau le plus bas de l'année lundi en clôturant à 3 650 points- la Bourse reste-t-elle un bon moyen de financer les entreprise françaises ? Que faudrait-il améliorer ? Des initiatives émergent petit à petit pour redonner son lustre à la place parisienne. Pour continuer à financer les PME-ETI de demain, Bercy a créé en juin 2010, en partenariat avec l’ AMF, la Banque de France, la Caisse des Dépôts, le Medef, le Médiateur du Crédit, MiddleNext et NYSE Euronext, l’" Observatoire du financement des entreprises par le marché", visant à promouvoir les PME-ETI cotées et en améliorer l’accès aux marchés financiers. Le gouvernement veut trouver une solution pérenne au financement des PME-ETI par la bourse pour pallier au recul des financements traditionnels (private equity, crédits bancaires, etc). L'une des propositions consiste à créer un fonds d'investissement doté de 200 M€ spécialisé dans les PME-ETI cotées, sponsorisé par la CDC. Cette dernière s'est déjà engagée à injecter 40 M€ et espère récolter le solde des fonds auprès des compagnies d'assurance. « 200 M€ c'est un bon début, mais les besoins des PME françaises nécessiteront des apports complémentaires d’autres acteurs », estime Véronique Laurent-Lasson chez Aelios M&A international. Parmi les autres pistes de réflexion évoquées, la proposition de Middlenext, association représentant les valeurs moyennes cotées, préconisant la mise en place d'une plate-forme alternative dédiée aux PME-ETI, dirigée par des acteurs institutionnels dont la CDC. Mais pour beaucoup d'acteurs du secteur cette idée d'incursion de l'Etat sur les marchés financiers est inquiétante. « Il faut des marchés directeurs », affirme Véronique Laurent-Lasson.

Impossible donc pour le moment d'appréhender les futures résultats de ces initiatives, si elles aboutissent. L'enjeu déterminant reste l'environnement économique mondial. Si celui-ci va dans le bon sens, le mouvement d'IPO entamé en début d'année devrait pouvoir s'accélérer. Il risque d’y avoir moins d'opérations au second semestre pour des raisons de saisonnalité -l’essentiel des IPO ayant lieu sur les six premiers mois de l’année, sur la base d’informations fraîches issues des publications des résultats annuels vers mars- mais les montants pourraient être plus élevés. « Les levées primaires sont assez modestes sur cette première moitié de l'année. Outre une amélioration de la conjoncture pour redonner une bouffée d'oxygène au marché, il faudrait qu'une belle opération aboutisse. D'ici la rentrée nous allons annoncer 3 ou 4 introductions supérieures à 1 ou 2 Md€ », conclut Marc Lefèvre. Les yeux sont donc désormais rivés sur les prochaines tendances macro-économiques.

A télécharger en Pdf :

Tableau des IPO depuis le 1er janvier 2011

Lire aussi sur la Bourse en général :

Bercy et la CDC veulent faciliter l'accès à la bourse aux PME/ETI (20 juin 2011)

Offres publiques : un millésime encore poussif (29 décembre 2010)

Lire sur le private equity fait son marché en bourse :

Outremer Telecom appelle son LBO bis (27 juin 2011)

Metrologic contrôle un MBO (31 mars 2011)

Delachaux change de mains (24 mai 2011)

Camaïeu se rhabille avec son majoritaire (29 mars 2011)

Lire sur le dual track :

Nouvel actionnaire en vue pour Sagemcom (15 juin 2011)

Moncler fait défiler un nouveau fonds (6 juin 2011)

Spie dépasse la barre des 2 Md€ (31 mai 2011)

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