EcoVadis redonne des couleurs à la tech française. Alors que l'écosystème du financement de l'innovation est sorti de la période d'euphorie qui l'animait jusqu'en janvier, s'inquiétant notamment du repli du Nasdaq et des tendances macroéconomiques défavorables, la pépite de la notation ESG fait son entrée chez les licornes à l'occasion d'un tour de 500 M$ (478 M€). Astorg et l'américain General Atlantic, via sa structure BeyondNetZero lancée l'été dernier pour investir dans des solutions luttant contre le changement climatique, consacrent chacun 200 M$. Les 100 M$ restants proviennent du fonds souverain singapourien GIC et de Princeville Capital, présent à Berlin, San Francisco et Hong Kong. L'opération ne comprend pas de dette mais un important volet de secondaire, comme lors de la levée de 180 M€ début 2020 (lire ci-dessous), pour la plus grande partie. Partech signe la deuxième sortie de son fonds Growth après Brandwatch, soldant une participation qu'il avait déjà allégée lors du tour précédent, sans communiquer sa performance. Des business angels cèdent également, et le suédois Zobito, entré discrètement en 2018 avec un ticket d'1 M€, vend les trois quarts de ses actions. Le bouclage de ce tour est attendu avant la fin du mois, une fois obtenu le feu vert de l'autorité de la concurrence américaine en raison de l'investissement de GA.
Valorisation proche de 2 Md€
L'éditeur d'une plateforme Saas de notation d'entreprises selon des critères ESG se valoriserait entre 1,7 et 1,9 Md€, selon nos informations. Il s'agit de la première licorne française apparue depuis Spendesk mi janvier (lire ci-dessous et voir le tableau). La banque d'affaires GP Bullhound fut à nouveau à la manœuvre, alors que Clipperton et HSBC accompagnaient respectivement Astorg et General Atlantic. « Nous cherchions des gens ayant des convictions fortes en matière d'ESG, et pouvant rester sur un cycle long, explique Frédéric Trinel, co-fondateur avec Pierre-François Thaler. Y compris capables de suivre voire de réinvestir lors d'une introduction en Bourse. » La licorne envisage une IPO dans trois ou quatre ans. Astorg, l'un de ses clients, la suivait depuis plusieurs années, ayant participé au dernier process. « Ecovadis est unique dans sa capacité à réaliser un grand volume de notations vérifiées (plusieurs dizaines de milliers chaque année) et ce peu importe la taille et le domaine d’activité de la société notée. Ce savoir-faire s’appuie sur quinze années de focalisation et d’investissements dans le domaine. À notre connaissance il n’y a pas aujourd’hui d’alternative comparable disponible sur le marché », estime Benoit Ficheur, associé chez Astorg. La société de gestion intervient avec Astorg VII, véhicule de 4 Md€ levés en 2019 dont il s'agit du dernier investissement.
71 M€ d'ARR fin 2021
Le process fut marqué par le désistement de plusieurs fonds, ce qui n'empêcha pas de recevoir une douzaine d'offres, soit davantage qu'au dernier tour. « Si nous entrons dans une récession assez forte, la tech redeviendra une valeur refuge, en particulier pour les sociétés rentables comme EcoVadis qui par ailleurs ne voient pas leur activité ralentir », met en perspective Guillaume Bonneton, associé de GP Bullhound. Le tour de table se réaliserait sur une « valo 2021 ».
Stratégie d'acquisitions
L'éditeur, dont l'Ebitda deviendra négatif cette année tout en maintenant un cash flow positif, a pu mettre en avant l'accélération de sa croissance, en hausse de cinq points chaque année depuis trois ans. Son chiffre d'affaires annuel récurrent (ARR) atteignait ainsi 71 M€ fin 2021 et devrait franchir confortablement la barre des 100 M€ en décembre 2022. Plus de 90 000 entreprises utilisent la plateforme d'évaluation collaborative, de plus en plus aux États-Unis d'où vient 24 % du chiffre d'affaires mais 39 % de la croissance, signe que les importants moyens déployés sur place portent enfin leurs fruits. Le renforcement des fonds propres doit permettre de disposer de ressources nécessaires pour continuer à financer la croissance au cas où celle-ci augmenterait trop (les abonnements des clients ont gagné 69 %, soit beaucoup plus que ceux payés par les fournisseurs). L'entreprise de 1 300 salariés, réparties dans quinze pays dont 130 en France, multipliera ses efforts sur le très gros marché américain en phase de rattrapage de l'Europe sur les questions d'ESG, mais regarde aussi vers l'Asie, à partir de ses bureaux au Japon et à Singapour ouvert en décembre. Elle se lance en outre dans une stratégie d'acquisitions, devant boucler prochainement le rachat d'une cible appliquant l'intelligence artificielle aux données ESG.